10 ans auparavant - Hanabi Taikai

« Papa ! Hideaki m'a volé mon sabre en bois ! »

Et voilà encore mon grand frère qui pleurniche ! Bon, je vais vous expliquer rapidement la situation, je m'appelle Hideaki Ryūku et j'ai neuf ans, mon frère et moi sommes orphelins et nous vivons dans le temple shintoïste d'un moine qui nous a recueilli et élevé comme un père. Aujourd'hui est un jour assez spécial, nous sommes le dernier Samedi du mois de Juillet, c'est le soir des grands feux d'artifices et nous avons été contraint de porter une tenue traditionnelle avant de rejoindre les autres à la fête qui a lieu au temple de l'eau. C'est la seule occasion que nous avons d'y entrer, enfin il paraît que Yukio y a déjà mis les pieds parce que bien sûr monsieur est un aspirant depuis quelques mois ! De mon côté je n'ai même pas été admis à l'académie des Ninjas, ils disent que je n'ai pas la maturité et la force nécessaire pour y aller.

Enfin bref, voilà encore Shiro qui vient me remettre en place parce que j'ai emprunté le sabre en bois de mon frère, bah oui quoi c'est pas comme si j'allais le garder ! Ce soir il aura la chance de faire partie des gens qui allumeront les feux, tous les nouveaux promus y sont autorisés, pendant ce temps moi je serai coincé avec le vieux à la dernière rangée, comme tous les ans ! J'ai vraiment la poisse. Je bougonne mais rends tout de même l'arme factice à celui qui me sert de grand frère, je vais ensuite m'asseoir sur le ponton situé devant le temple avec un air boudeur, je suis parfaitement conscient du fait qu'on va bientôt devoir y aller, mais contre-temps ou non, je figure quand même parmi les derniers autorisés à rejoindre la cérémonie. Tout ça à cause de mes problèmes de comportement, il paraît que cette année j'ai causé du tort à bien des habitants, dans un sens ça me flatte, ils font attention à moi.

Le moine ne perd pas de temps et me tire à l'extérieur du domaine, mais cela ne change pas le regard que j'ai envers mon aîné, je ne lui parlerai pas avant longtemps ! Après une demi-heure de marche nous arrivons enfin au temple, les gardes chargés de la sécurité nous regardent de travers et Yukio part vers son groupe où il prend son habituel air hautain. Une fois que la foule devant nous est passée, nous parvenons à nous frayer un chemin pour voir les feux d'artifices, contre toute attente Shiro me prend dans ses bras et me place sur ses épaules afin que je puisse quand même voir ce qu'il se passe devant. Même si je reste émerveillé par le spectacle je ne peux m'empêcher de râler, sans vraiment penser ce que je dis.

« Repose moi petit vieux ! Tu vas encore te plaindre d'avoir mal au dos après !»

Par un simple sifflement il me dit de me taire car tout va bientôt commencer, en scrutant les horizons j'essaie de trouver mon frère mais c'est en vain. Au même moment le premier feu jaillit dans le ciel, laissant la foule admirative devant ce spectacle qui semble presque magique, au loin je vois des vieux Shinobis, un sourire aux lèvres comme s'ils savouraient ces courts instants de paix dans leur vie. La foule ne tarit pas d'éloges sur la représentation, comme tous les ans personne n'est déçu de la fête. Shiro me fait descendre de ses épaules et me prend la main pour me guider vers un endroit où il y a moins de monde, nous attendons Yukio qui pavane fièrement avec son bandeau frontal avec ses camarades, plus âgés que lui de quelques années mais complètement absorbés par ses discours.


Je regarde au loin les feux éclater dans le ciel étoilé, on dirait que rien n'a changé depuis mon départ du village. Adossé contre un arbre je ne peux m'empêcher de songer aux moments que je pourrais avoir si la guerre n'avait pas ravagé ma vie, en fermant les yeux ce rêve devient peu à peu plus réaliste. Mon sourire autrefois sincère est maintenant devenu amère. Oh j'oubliais de me présenter, je suis Hideaki Ryūku, j'ai dix-huit ans et mon frère a disparu lors de la dernière bataille qu'a mené mon village, beaucoup pensent qu'il est mort et ont d'ores et déjà gravé son nom sur la stèle commémorative, mais au fond de moi je sais que son coeur bat encore. Shiro lui par contre a vraiment cédé à ses blessures, lorsque j'ai retrouvé son corps dans le temple brûlé une larme a coulé sur mes joues blafardes, je m'attendais à ce qu'il parte un jour...mais pas si tôt.

Qui sait, s'il avait survécu je serais sans doute resté ici et j'aurais continué à mener une petite existence tranquille en tant qu'aspirant puis moyenne classe. Je constate que rien n'a été facile dans ma vie et le chemin que j'emprunte est toujours celui où les difficultés se dressent en travers de mon chemin sans que j'ai le temps de souffler. Je ne sais pas pourquoi je suis venu pour voir la fête du Hanabi Taikai, par nostalgie ou par regret ? Je ne saurais dire, peut-être que mon futur m'apportera la réponse, en attendant je fais un peu traîner les devoirs de l'organisation pendant que je suis ici dans mon pays natal, j'ai dû laisser Odoki seul au repaire alors que moi je passe du "bon temps" en compagnie d'un de mes acolytes.

« Hideaki, tu pleures ? »

Je regarde mon compagnon de voyage avec un petit air surpris, je ne savais pas qu'il s'était réveillé, les éclats des feux dans le ciel ont sûrement dû perturber son sommeil. Je passe ma main sur ma joue droite légèrement humide, le coeur serré mais je n'en laisse rien paraître. Afin de ne pas paraître faible, j'ai prétexté à Takuya de devoir me rendre sur l'archipel pour dégoter quelques contrats de mission, mon voyage ici avait donc tout ce qu'il y a de plus professionnel...à l'exception de cette soirée que je me suis réservé. Alors que le vent fait virevolter mes cheveux noirs de jais, je lui donne sa réponse en regardant le firmament comme je l'ai fait il y a neuf ans lorsque j'étais sur les épaules du moine, après tout ce sont mes souvenirs et personne n'a le droit de les toucher.

« Non, c'est juste le reflet de la lune qui te donne cette impression. »

Sans plus tarder je tourne le dos aux feux d'artifices et me couche sous l'arbre majestueux qui m'a servi d'appui juste avant. J'entends mon camarade grommeler un "Comme tu voudras" avant de se recoucher lui aussi, demain la journée va être longue, nous repartons sur le continent Shinobi et partons négocier des contrats de travail pour faire vivre l'organisation, nous avons besoin d'argent en ce moment. Je ferme les yeux et tente de succomber au sommeil, je crois que je sais déjà de quoi je vais rêver cette nuit.