La réunion de famille s'était terminée de façon plutôt agitée, une partie du clan portait ses accusions sur moi tandis qu'une autre plaidait mon innocence. Pour ma part, j'avais la certitude que celui qui avait assassiné mon oncle et mon cousin était Jin, il n'y avait que lui pour avoir des ambitions si démesurées. Pendant que ma soeur vivait le grand amour avec lui en ignorant royalement mon existence par la faute de Père, j'avais plusieurs fois épié son petit-ami lorsqu'il ne traînait pas dans les quartiers marchands de Kiri Gakure No Satô. Une fois qu'Izue le quittait pour rentrer au domaine familial, lui se dirigeait vers des zones plus vides, littéralement abandonnées par le gouvernement de notre pays. Il y rencontrait des gens qu'il semblait bien connaître et leur donnait des instructions assez étranges comme voler telle ou telle marchandise. Que ce garçon soit impliqué dans diverses affaires de meurtres non classées, cela ne m'étonnerais guère.

C'était en partie pour en savoir plus sur lui que j'avais accepté de rejoindre l'organisation de ce vieillard, un certain Gen qui était venu me chercher alors que je contemplais les étoiles. Aujourd'hui, je suis certes dans une belle galère car je lutte pour trois fronts en même temps - ou du moins je fais semblant - mais je suis convaincu que mon jour de gloire arrivera, je triompherai de tous ceux qui ont utilisé mon pouvoir à leur fin et je les dominerai. Après avoir commis quelques crimes, je suis devenu un homme de plus en plus rationnel, je n'agis que si j'ai quelque chose à tirer de mes actions, dans le cas contraire je préfère ne rien faire ou me concentrer sur mes recherches afin d'éviter de gaspiller plus longtemps le sang de ma soeur.

Pour en revenir à nos moutons, peu de temps après la fin de la réunion de clan, j'avais reçu un courrier express de la part de mon nouvel employeur : Gen. Il me demandait apparemment de me rendre sur le continent, au milieu d'une terre isolée où je suis censé passer ma première réunion en leur compagnie. Comme je suis curieux, j'ai tout de suite préparé mon sac et suis parti, laissant Mère seule dans son chagrin, sans aucune trace de culpabilité sur mon visage. Je me souviens juste maintenant, qu'elle m'a regardé les yeux remplis de larme tandis que les miens étaient toujours aussi froids, j'ai ensuite tourné la tête et me suis dirigé vers la sortie, j'avais tellement hâte de partir.

Je ne me rappelle plus de la dernière fois où j'ai quitté ma terre natale, ce devait sûrement être lors de mon jeune âge, quand Père ne me détestait pas encore et quand je n'étais pas encore devenu un monstre. Enfin bref, j'ai rapidement pu trouver un bateau sur lequel embarqué pour pas cher et je me suis rendu au pays du feu. Comme je suis un Shinobi de Kiri, je n'ai pas eu de problème pour accoster, l'alliance étant encore valable, on me laissa passer sans trop de problèmes à priori, c'est ainsi que je pris la route vers les plaines indiquées sur la carte laissée par Gen. Sur mon chemin, alors que je demandais juste quelques renseignements au sujet de ma trajectoire, beaucoup de gens m'estimèrent courageux de me promener seul sur ces terres à seulement 16 ans, je me demande bien pourquoi, la vie sur le continent est-elle aussi dangereuse que l'on le prétend ? Je l'ignore, mais je vais sans doute bientôt le découvrir.

La forêt me fait désormais face, il ne me reste plus qu'une dizaine de kilomètres à parcourir pour trouver le point de rencontre, je m'interroge alors sur la nature de cette réunion, et combien d'hommes Gen a-t-il déjà enrôlé dans son organisation. Y a-t-il des gens de mon âge ou seulement des vieux croûtons rodés par les milles et un combats qu'ils ont déjà mené dans leur vie ? Tant de questions se heurtent dans ma tête alors que j'essaie de laisser le moins de traces possibles de mon passage dans cette clairière, je suis sûr que c'est ce que le maître voudrait.

C'est à cet instant là que je lève les yeux, une vieille ruine en bois me fait face, ce doit être ici que tous les partisans se rejoignent car j'ai cru en quelques nanosecondes apercevoir une ombre à l'intérieur de la bâtisse. Je m'approche, sans craintes jusqu'à ce que je croise un garçon mesurant à peu près ma taille et faisant plus ou moins mon âge. J'esquisse un faux sourire en guise de salutations et me présente poliment sous mon nouveau nom de code. Qui sait, peut-être qu'il fait partie des piliers de cette organisation malgré son âge. Enfin, je dois probablement me faire des idées, il y a des jours comme ça...

« CK-706...Yoroshiku. Onamae ha ? »

Un peu de Japonais formel tel que je l'utilise dans mon clan, il me regarde l'air un peu surpris en fronçant les sourcils puis reprend la même expression qu'auparavant, morose. Je me demande quel mal l'habite et pourquoi il est ici, je lui poserai la question sans doute un peu plus tard, quand nous nous connaîtrons mieux. Amadouer sa proie avant de la dévorer, c'est ce qu'on apprend en tant que Shinobi si l'on veut tenter une mission d'infiltration, ça n'a jamais encore été mon cas mais je pense que ce le sera très bientôt, Gen semble avoir des vues sur le potentiel de mes pouvoirs, ce ne doit pas être pour rien. Le garçon aux cheveux ébènes se racla la gorge et me répondit sans donner un détail de plus, aucun doute là-dessus...C'était un Ninja bien plus expérimenté que moi en vue de ses manières.

Quelques jours déjà que je suis là à moisir dans cette ruine, Gen m'y a emmené car il y aurait une réunion de son organisation à deux balles. Je ne suis pas très enthousiaste à l'idée de rester enfermé dans une salle avec des assassins autour de moi, ce n'est pas que j'ai peur d'eux - bien au contraire - mais c'est que j'ai l'impression que ce n'est pas ma voie. Contrairement à tous ces gens, j'ai quand même l'impression d'avoir de l'espoir que ce monde finira par revenir dans le droit chemin tout seul, peut-être suis-je un peu trop idéaliste mais c'est ma vision des choses après tout. L'unique raison de ma présence ici ? C'est sans doute parce que mon propre parrain m'a menacé de mort si je ne le rejoignais pas, tout en insistant sur la corde sensible de mon âme, comme quoi mon père n'aurait pas voulu que je désobéisse au dernier parent qu'il me reste encore en vie.

Bien entendu, je m'en carre pas mal moi de ce que mon géniteur puisse penser de moi les six pieds sous terre, ce n'est pas comme s'il pouvait ressortir de sa tombe pour me faire une leçon de morale - même s'il serait en mesure de le faire, il ne resterait de lui qu'un tas de cendre décapité. Car oui, aujourd'hui j'ose enfin ironiser sur le décès de mon clan car j'ai réalisé qu'ils étaient tous loin d'être des saints. Gen m'a ouvert les yeux un an auparavant en m'expliquant quel homme était réellement mon père et que le massacre du clan, tout était de sa faute. Je ne lui en veux pas plus que ça, ce qui est fait est fait après tout, je n'ai pas mon mot à dire sur mon destin. Cependant, j'ose aujourd'hui croire que sans lui et ses problèmes, j'aurais sans doute eu une vie meilleure et peut-être que l'avenir ne serait pas aussi sombre pour moi sur les Hôtobi seraient là pour me guider.

Complètement étendu sur le sol poussiéreux de l'ancien domaine du clan du vieux Gen, je m'amuse à saisir le vide et à serrer le poing sur lui, toute ma famille se tient au creux de ma main...Il n'y a plus rien désormais. Je me relève et m'essuie le dos pour aller voir ce qui se trame au delà de la fenêtre dont le verre a été brisé par des brigands venant chercher refuge sans doute, rien à l'horizon, juste une épaisse couche de brouillard. Gen m'avait pourtant promis qu'il rentrerait dans l'heure qui suivrait son départ, aurait-il eu des complications en rencontrant une connaissance indésirable ? Bah...Qu'est-ce que je m'en tape aussi, c'est ses affaires ! Et puis s'il crevait au milieu de cette forêt, ça en arrangerait plus d'un je pense. De toute manière, ce n'est pas comme si beaucoup de monde tenait à lui, les gens en profitent c'est tout, car ils pensent que c'est un vieillard sénile parmi tant d'autre.

Mais à la manière dont il avait repoussé ce membre de l'Akatsuki aux airs de poisson dans la forêt de Kusa No Kuni, j'avais maintenant des doutes sur ce qu'il était vraiment, serait-ce lui qui tenterait de nous duper ? Quoiqu'il en soit, il avait brisé ce qu'il restait de moi : mon identité. Quand je suis avec lui, il ne m'appelle maintenant plus par mon nom et encore moins par mon prénom mais juste par le code qu'il m'a donné. De plus, il m'a octroyé un des surnoms les plus ridicules pour un adolescent comme moi : La faucheuse des ténèbres, c'est qu'il y a crû à son délire celui là, comme si je m'approchais des gens et que je les tuais sans le moindre remord. Car ouais, derrière mes aspects de mec fier, il y a tout de même une personne dont le coeur brisé bat tant bien que mal.

Oh...Un bruit venant de l'extérieur, à croire que ma conscience a tant à vous dire que j'en ai presque oublié la surveillance de ce taudis. Rapidement, j'enfile ma veste et je sors de cet endroit où il ne fait pas bon vivre pour voir qui approche. Je tombe alors nez à nez avec un mec plus grand que moi d'un ou deux centimètres, il me sourit bizarrement...Un Shinobi de Kiri. J'ai mauvais souvenir des Ninjas de la brume, par deux fois ils m'ont enlevé mes compagnons d'arme, que dois-je faire ? Le tuer ? Ou attendre le retour de mon mentor ? La deuxième solution paraissant plus judicieuse, je le fixe, l'air impassible en attendant qu'il me dise ce qu'il vient faire sur ce territoire. Il se présenta - comme tout bon Shinobi ne le ferait pas - dans un langage plutôt courtois, parce qu'en plus il était issu d'un clan...Tout ce que je déteste !

A l'entente de son nom, je calme mes ardeurs...Un code dont la forme est identique à celui que je possède, aucun doute là-dessus, à moins que ce soit un espion - ce dont je doute fortement - il fait bel et bien partie de l'organisation de Gen. Je baisse alors ma garde, ne sachant pas trop quoi lui dire au départ car j'ignore si tous connaissent le nom de code de chacun. Tout ce que je sais pour l'instant, c'est que Gen se nomme GT-666 pour une raison encore inconnue bien que je m'en doute. Je relâche l'expression consternée sur mon visage pour laisser place à une face n'exprimant aucune émotion particulière tandis que lui continuait à sourire bêtement. Je me présentai à mon tour en espérant qu'il n'ait pas encore eu d'échos sur moi.

« BK-201. »

J'estime que je n'ai pas plus d'informations à donner sur mon compte puisque c'est la seule chose qu'il m'a demandé : mon nom. Je retourne alors à l'intérieur du bâtiment et lui fait signe de rentrer avec moi, la réunion était censée commencer aux alentours de 14h, nous avons donc le temps avant que tous les hommes de la confrérie soient réunis, autant l'inviter à boire un thé, venir de si loin pour rencontrer des voleurs et des tueurs, franchement...Je me demande pourquoi il a rejoint cette organisation sachant que Kiri est pas mal réputée pour ses gangs de brigands, Gen aurait-il bien plus d'influence que ce que j'imagine ? L'avenir nous le dira, en attendant...

« J'ai préparé du thé...T'en veux ? »

Cette prise de parole sembla le surprendre, était-ce parce qu'il n'a jamais goûté de thé auparavant - la bonne blague quand même - ou parce que je lui ai parlé sur un ton plutôt familier alors que lui avait utilisé un registre beaucoup plus soutenu pour m'adresser la parole ? Il a vraiment l'air bizarre ce type franchement, je ferais mieux de garder un oeil sur lui tant qu'il sera à mes côtés, on ne sait jamais, je ne fais décidément pas confiance aux Ninjas de la brume...

Ce ton froid, il me semble que j'en ai déjà entendu parler, oui ce type possède vraiment toutes les caractéristiques pour être un mec d'Ame, il ne me l'a pas dit mais je le sais, au fond de moi mon instinct me dit qu'il ne peut que faire partie de l'armée de ce pays. Mais je ne dis rien, je continue à l'écouter...BK-201, c'est donc ça son nom de code. Contrairement à moi, en savoir plus sur son interlocuteur ne semble pas l'intéresser, à peine m'a-t-il donné cette information qu'il se relève pour retourner dans la planque, il s'arrête un moment et me fait signe de le suivre, j'ignore si accepter sa proposition est une bonne idée, les types venant du pays de la pluie ont quand même une sale réputation. Enfin, nous faisons quand même partie de la même organisation maintenant, la barrière qu'est nos pays respectifs ne devrait pas influencer sur notre comportement ici.

Alors soit, je me décide à me lever à mon tour pour rentrer dans le bâtiment poussiéreux. C'est vraiment loin d'être le grand luxe, moi qui critiquait toujours le domaine de mon clan, je m'aviserai à l'avenir de retourner deux fois les mots dans la bouche avant de dire quoique ce soit. Dans l'obscurité - car la pièce n'est éclairée que par la lumière extérieure, pas très forte en cette matinée brumeuse - je distingue sa silhouette fine et élancée, il s'assoit par terre sur le plancher miteux, j'hésite à en faire de même...Je n'ai pas très envie de salir mon kimono. Cependant, je n'ai pas l'intention de lui faire ressentir la différence de niveau social entre nous deux, je prends donc mon courage à deux mains et m'assied en tailleur face à lui, nous aurions pu rester silencieux jusqu'à l'arrivée des autres membres de l'organisation mais apparemment, il se décide enfin à briser le silence.

Du thé ? D'ordinaire, j'aurais demandé le parfum et l'origine mais finalement, je vais une fois de plus m'abstenir de ces manières, passer pour le rabat-joie de service ne m'enchante guère, de plus je doute que ce garçon en sache quoique ce soit, il a sûrement dû prendre les premières choses qui lui sont venues sous la main et a préparé de quoi boire jusqu'à la fin de la réunion. Mais quand j'y pense, j'ai non seulement soif...Mais également faim, je dois avouer ne pas avoir trouvé de commerce ou de marchand sur les derniers kilomètres de ma route, j'ai donc dû me mettre à la diète, moi qui déteste demander...Il va falloir que je tire une croix sur la fierté mal placée, je lui répond enfin, après une trentaine de secondes de silence où il attendait ma réponse, la théière bouillante à la main.

« Pourquoi pas, je veux bien une tasse. »

J'ignore pourquoi je n'ai pas eu le cran de lui demander à manger, peut-être parce qu'au moment où j'ai accepté de prendre une tasse de thé, j'ai croisé son regard. Mère disait toujours que le mien était plus froid que la glace, impénétrable depuis le décès de Père et de ma petite soeur, mais que dirait-elle alors de celui de BK-201 ? Surtout que lui, il semblerait que ce ne soit pas une personnalité qu'il s'était forgé pour faire classe, pas comme mon stupide cousin qui, de son vivant, prenait des airs hautains et glacials pour obtenir le respect de nos pairs. Pourtant, malgré les apparences, il ne paraît pas si méchant que ça, aurait-il eu lui aussi un douloureux passé dont il ne voulait pas parler ? Je n'ai pas l'intention de l'agresser avec toutes mes questions, je me contente donc de saisir la tasse qu'il avait posé vers moi en le remerciant gracieusement.

Mon estomac commence à crier famine, j'espère pouvoir en placer une avant qu'il ne remarque les gargouillements naissants à l'intérieur de moi, ce ne serait pas très poli. J'aimerais tant lui demander, mais venir sur un tel sujet alors qu'il garde le silence...Je ne sais vraiment pas comment il pourrait le prendre. Certes, il ne semble pas issu d'une famille ayant des habitudes courtoises comme moi - rien qu'à sa tenue vestimentaire il est facile de le deviner - mais je crois qu'il connait quand même la politesse. Une veste noire sur un T-shirt uniforme de la même couleur, un pantalon ample et quelques accessoires Ninja attachés sur sa ceinture mais également un masque posé à côté de lui. Surpris, je finis par prendre la parole, ma curiosité aura eu raison de moi finalement, comme d'habitude certainement :

« Désolé si je te dérange mais...Pourquoi tu as un masque ? »

Pour dissimuler ma gêne, je fais mine de remettre un pan de mon kimono correctement en baissant la tête pour ne pas recroiser ses yeux inexpressifs une seconde fois. Je me plonge ensuite dans une contemplation profonde - et inutile surtout - de la structure de ma tasse en me rappelant que je n'avais pas encore bu une seule goutte du thé qu'il m'avait offert. Je saisis alors rapidement le récipient et commence à boire sans faire le moindre bruit en attendant sa réponse. En vue de son expression, il ne semblait pas vouloir aborder le sujet, le fera-t-il quand même ?

Assis dans la pénombre, CK-706 et moi-même ne sommes éclairés que par la faible lumière du jour pénétrant par la fenêtre délabrée par le temps et les hommes. Je ne le voyais pas beaucoup de cet angle là, à vrai dire on pourrait croire qu'il cherche à ne pas montrer son visage, pourtant moi j'avais fait un effort : j'avais retiré mon masque avant de l'accueillir. Malgré le fait que mon destin semble scellé et que je suis condamné à devenir BK-201 au service de cette organisation mystérieuse, je refuse catégoriquement de n'être qu'une suite de lettres et de chiffres pour les gens...Un jour, je voudrais que l'on m'appelle Hôtobi Shintô, je ne veux guère de pseudonymes erronés me contraignant à être craint par les autres Shinobis. Être lui-même, c'est ce que demanderait tout adolescent approchant de ses seize ans, la reconnaissance pour la personne qu'il est et non pour celui qu'on aimerait le voir être.

Oui, je suis ce genre de type là ! Peut-être un peu casse-noix sur les bords avec mes leçons de morale incessantes mais c'est ma nature, je n'y peux rien n'est-ce pas ? Je sers donc une tasse de thé à mon mystérieux interlocuteur conformément à sa demande puis me replonge dans mon habituel silence. Le calme, toute ma vie j'ai été éduqué avec, ma famille était adepte des rites de méditation, j'y ai donc participé dès mon plus jeune âge. Cependant, le garçon aux cheveux blancs ne semble pas partager la même opinion que moi à ce sujet, il semblerait en effet que je l'ai vu à plusieurs reprises contemplant le plafond ou le sol, il a l'air de s'ennuyer. Il faut dire que de nature, je ne suis pas quelqu'un de bavard non plus, moins j'en dis sur moi et mieux je me porte, ce dicton est d'autant plus vrai depuis que je suis devenu la faucheuse des ténèbres.

Avec le temps qui s'écoule, j'avais fini par adopter une position relaxe, les jambes allongées devant mon corps, la tête posée sur mon épaule droite, les yeux fermés...Une véritable attitude de rêveur. Malheureusement pour moi, mes précieux instants paisibles furent interrompus par la voix grave de mon interlocuteur qui s'éleva et résonna à travers toute la demeure moisie. J'ai très envie de lui répondre que oui, il m'a dérangé dans mon unique moment de répit depuis que j'ai quitté le village de la pluie pour venir ici mais finalement, je ne fais aucune remarque, ce mec là...a l'envergure d'un bourge, mieux vaut pour moi de ne pas me le mettre à dos si je ne souhaite pas avoir les autorités sur le dos. La question qu'il me pose me surpris légèrement, pourquoi est-ce que je porte un masque ? Je ne sais pas quoi répondre...


« Pour tuer mes adversaires telle la faucheuse d'âmes. »

Certes, ce n'est pas la vérité mais je n'ai aucun argument à avancer quant au port de cet objet que je juge moi-même ridicule. Je n'ai pas souvent été impliqué dans des affaires d'assassinats alors que je suis un Chûnin assez expérimenté, Gen a sûrement l'intention de me faire participer à des attentats ou à des assauts sur des petits villages, là où aucun des survivants ne doit reconnaître mon visage. Ce foutu vieillard a saisi ma véritable nature avec le temps, je suis un Ninja d'Ame et j'aime ma patrie, c'est un fait...Mais je sais que devant des vies innocentes, ma lame ne s'abattra pas forcément, si j'ai perdu foie en l'humanité depuis longtemps, je porte toutes mes espérances sur la nouvelle génération. Ce monde a connu un passé entravé par la guerre, que cela serve de leçons à ceux qui me succéderont, c'est ça mon héritage : ma philosophie.

Quand je suis seul au milieu du champ de bataille, je n'ai pas l'âme d'un véritable Shinobi, jamais je ne pourrais prendre la vie d'un soldat adverse s'il n'a pas voulu prendre part au conflit. J'imagine que c'est pour ça que Gen insiste pour que je prenne ce masque, il a sans doute peur que mon visage soit reconnu après quelques missions tenues en échec par ma faute. En voyant l'expression de l'homme qui porte le nom de code CK-706, je ne pu m'empêcher de sourire très faiblement, c'est qu'il y a crû à ma connerie. Que le monde est naïf franchement, mais après tout je ne peux que comprendre ces gens : on en dit tellement au sujet des Shinobis d'Ame ces derniers temps que si je ne ferais pas partie de leur armée, j'aurais sans doute peur moi aussi. Histoire de détendre l'atmosphère, je saisis mon masque et le place sur mon visage blafard tout en enfilant ma cape noire.

« Je suis la Faucheuse des ténèbres. »

Une seule fois je m'étais vu dans un miroir avec cet tenue et autant le dire tout de suite : je ne me suis pas reconnu directement. Sous ces airs, j'avais effectivement l'air d'un psychopathe adepte de jeux macabres - pourtant je vous assure que ce n'est pas le cas - qu'en dira donc le Ninja de la brume en me voyant dans cette tenue ? Cherchera-t-il le combat en prenant mon affirmation comme une menace ? Haha...Dans ce monde de fou, on ne sait jamais après tout, j'ai tant de fois été heurté pour des choses futiles que bien des situations ne me choquent plus. Malgré tout, je le reconnais...C'est la première fois que je m'amuse autant depuis des mois !

Ce type, je ne sais pas dans quelle catégorie de personnes le placer, il est si différent de tous les individus que j'ai pu rencontrer jusqu'à présent. Bon, il est vrai qu'en dehors des membres de mon clan, mes connaissances sont rares mais tout de même, je crois que de ma vie je n'ai jamais vu une personne aussi étrange. Froid, il semblerait que sa vie ou son sort lui importe peu, on dirait presque que si on l'envoyait en Enfer ça ne l'affecterait pas plus que ça, quels évènements ont frappé ton histoire pour que tu deviennes ainsi BK-201 ? Je ne connais pas encore son vrai nom, mais je pense que ce sera une affaire de temps à moins que les évènements tournent au drame, ce que je doute quand même. Une aura solitaire émane de lui, j'aimerais tant lui poser des questions à son sujet mais j'ai peur qu'il se vexe ou me prenne pour un espion, je dois avouer qu'en ces temps difficiles il ne faut pas se confier au premier venu au risque de sa propre vie.

Alors que je bois mon thé pour dissimuler ma gêne après lui avoir demandé pourquoi il porte un tel masque dans la vie quotidienne, il attend quelques secondes avant de m'offrir la réponse que je désire. Pour prendre des âmes ? C'était donc ça...J'ai donc face à moi un réel assassin à moins que ses propos soient ironiques, cependant la comparaison qu'il fit avec lui-même me laissa sceptique, il se prend pour la faucheuse ? Cette chose asexuée que l'on voit juste avant de mourir selon les mythes du monde des Shinobis ? Le clan Ryuuseigun n'a jamais crû en ces superstitions, chez nous une autre légende est née, tout aussi irréaliste mais c'est un évènement en lequel nous aimons croire, car nous nous disons liés avec le ciel et ses corps célestes.

« Dans mon clan, on ne croit pas à la faucheuse. On raconte qu'avant la mort, la seule chose que l'on voit c'est les étoiles représentant les membres du clan et ceux qu'on a aimé de notre vivant. »

Je sais que ce que je viens de dire est profondément stupide et je m'attends même à ce que mon interlocuteur éclate de rire pour se moquer de moi. Il m'est déjà arrivé plusieurs fois de songer à ma propre mort, cependant comme personne n'a réellement compté pour moi dans ma vie et que je ne suis pas près de m'attacher à un sentiment aussi futile que l'amour ou la camaraderie, je me demande bien à quoi pourrait bien ressembler mon décès selon le mythe du clan. Verrais-je un ciel vide ? Cette pensée me fit esquisser un sourire...Non, je sais que dans mon coeur j'ai quelqu'un de très cher...Izue, ma soeur. Lorsque je relève les yeux de ma tasse après avoir bu tout le thé qu'il m'avait servi - pas mauvais d'ailleurs - dans le but de voir ce qu'il fait.

Le temps que j'ai mis à réfléchir sur moi-même m'avait fait rater une scène, BK-201 s'était en effet levé et avait enfilé une cape noire recouvrant l'intégralité de son corps, ainsi que le masque qui était posé à ses côtés quelques secondes auparavant. Avec cette apparence, il fait vraiment peur...Je comprends mieux ce qu'il voulait dire à l'instant, la faucheuse des ténèbres hein...J'en ai presque des frissons dans le dos. J'ai envie de le toucher, pour savoir si son corps est bien réel, mais on va encore dire que je suis victime d'hallucinations, ce ne serait pas la première fois mais bon, je passe déjà assez pour un fou auprès de ma famille. Mère a eu tant de problèmes avec moi depuis le meurtre de Père, elle me défend comme une lionne auprès de nos pairs et pourtant personne ne semble la croire, ils ont raison mais à la fin, ils vont sans doute penser que je suis de mèche.

A mon tour, je me lève pour le toiser de mes quelques centimètres en plus par rapport à lui, j'ai beau être plus grand, je n'ai pas l'impression d'être le plus fort dans cette pièce. Son aura s'était intensifiée depuis tout à l'heure, j'ignore ce qu'il éprouve à mon égard mais je doute que ce soit de la sympathie, à moins qu'il ne soit comme ça avec tout le monde. Je le vois ensuite s'approcher de moi, je ne montre rien mais au fond de moi j'ai quand même peur...Ressaisis-toi Kazuko, ce n'est qu'un type masqué ! Il passe à côté de moi comme si je n'existais pas et se dirige vers la porte, je me retourne alors vivement...Un ennemi ? Non ! Je souffle au moment où j'aperçois le visage de Gen et rejoins mon acolyte pour le saluer comme il se doit.

« Heureux que vous soyez parmi nous Gen-san »

Puis, tout arrive si soudainement, l'adolescent masqué fait volte-face et m'assène un poing dans la figure. Surpris, je n'ai pas le temps pour me défendre et valse contre le mur opposé ! Mais qu'est-ce qu'il lui a pris tout à coup ? Je ne suis plus rien de l'action, je vois BK-201 frapper Gen à son tour mais celui-ci tente de résister, je fronce les sourcils...

Des rites de clan ? Tout ceci me ferait presque rire si ma famille était encore été à mes côtés, je pourrais certainement me moquer des croyances des autres. Mes traits se durcirent sans que mon interlocuteur ne remarque rien, je l'envie tellement d'avoir des gens proches à ses côtés même si je sais que la vie en communauté n'est pas toujours facile. Quoiqu'il en soit, je ne dis rien quand il me raconte son blabla sur les étoiles, je n'y crois pas une seule seconde mais je respecte ses choix quand même bien que CK-706 me paraît bien trop rationnel pour avoir foi en ces mythes stupides. Pendant qu'il se prête à la contemplation de la tasse que je lui avais prêté il y a une dizaine de minutes maintenant, je me lève et enfile ma tenue de faucheuse des ténèbres que Gen m'avait fourni lors de mon dernier séjour chez lui. Ces vêtements me vont mal, je le sais..Avec eux j'ai l'air d'un type au sang-froid qui n'hésiterait pas à tuer si c'est dans son intérêt, je suis loin d'être comme ça...Enfin, je crois.

Lorsqu'il relève son regard vers moi, je ne sais pas ce qu'il ressent, il a l'air surpris de ma métamorphose et à la fois tétanisé par quelque chose qui émanerait de moi. Pourtant, j'ai pris une douche ce matin, ce ne pouvait donc pas être une odeur désagréable. Plus le temps de me poser de questions, je sens une présence s'approcher de la planque, je me dirige alors vers la porte avec mon habituelle démarche nonchalante, le bois grince...Quelqu'un est entré. Cet homme, il semblerait que ce soit Gen à priori, mais il a quelque chose de changé chez lui, un truc anormal, ce n'est pas mon parrain. L'autre garçon aux cheveux blancs comme la neige s'approche à son tour du vieillard et le salue, mais quel con ! Quoique je ne peux lui jeter la pierre, c'est un nouveau dans l'organisation à ce que j'en crois, il ne doit pas connaître Gen des masses.

Pour le protéger, je le frappe donc assez violemment pour qu'il prenne du recul par rapport à la situation et pour qu'il ne soit pas touché si l'imposteur lance une attaque. A lui aussi, je lui assène un coup de poing mais contrairement à CK-706, il riposte en bloquant mon poignet. J'enchaîne donc immédiatement en courbant mon corps de manière à lui donner un coup de pied dans l'abdomen, mon plan fonctionne à merveille, il me lâche mais revient aussitôt à l'assaut. Je prends le combat en main cette fois-ci et ne lui laisse pas le temps d'attaquer, je saisis mon katana de son fourreau et me lance dans un duel qui oppose ma lame à la sienne. Apparemment, il a une maîtrise assez approximative du combat à l'épée...Mais il lui manque une chose essentielle : l'expérience !

Sans plus attendre, je décroise nos fers, passe habilement sous son aisselle gauche et lui plante mon arme dans le bras. Un hurlement étouffé retentit dans la pièce où le sol est désormais taché de sang. L'homme reprend sa véritable apparence, le combat n'est pas encore fini ! Il enlève sa veste rapidement et saute par la fenêtre, je lui lance un kunaï dessus mais trop tard, il est trop loin. J'enlève ma cape noire ainsi que mon masque, je regarde celui qui me servira probablement d'équipier à l'avenir et suis tenté de le sermonner pour son manque d'implication dans le combat. Certes, tout s'est déroulé à une vitesse hors du commun pour des humains normaux mais à plusieurs reprises, son intervention aurait pu être décisive pour marquer la fin de l'affrontement. Cependant je ne peux pas lui faire la morale ici, il faut connaître l'ordre de ses priorités.

« Partons d'ici, l'endroit n'est plus sûr. Je connais une grotte pas loin d'ici, ça devrait nous servir d'abri pendant que les choses se calment. »

Bien sûr, dans ma tête tout était prévu, je n'ai pas l'intention de laisser le chef de l'organisation sans nouvelles. Dans la forêt, les animaux liés par un pacte ou non ne sont pas différenciés les uns des autres et les renards sont plutôt courants dans la région. Je compose quelques signes de main et m'attends à voir Shitare, mon fidèle compagnon quand soudain, c'est une boule de poils roux qui fait son apparition, nettement plus petite que mon invocation habituelle. L'animal se déploie et engage la conversation avec discrétion :

« Kami-sama ! Vous m'avez fait peur jeune maître...Hum. Shitare ne peut pas venir aujourd'hui, ses blessures lors de votre dernière mission ne se sont pas encore refermées, ça risque de prendre un peu de temps.
- Je vois. Peux tu me rendre un service alors ? Attend Gen ici et dis-lui que CK-706 et BK-201 sont près du village, l'endroit n'est plus sûr, il ferait mieux d'annuler la réunion.
- Aucun problème mais...Jeune maître, pourquoi cet endroit est-il aussi...Sale ?
- Ce n'est rien, nous venons juste de nous faire attaquer, c'est pour ça que les membres de l'organisation ne doivent pas se réunir aujourd'hui, nous risquons tous la mort en restant dans le secteur. »

Le renardeau hoche positivement la tête avant de rôder aux alentours, bien...Je saisis la main de mon ancien interlocuteur et me précipite vers la forêt, je connais bien les lieux, il n'y a aucun risque tant que je suis avec lui. Direction Ame Gakure, je n'ai pas tellement le choix que de l'emmener là-bas, c'est le seul endroit où je suis certain que rien ne pourra nous arriver.

Pourquoi est-ce que je n'avais pas pu bouger ? J'aurais tellement voulu lui apporter mon aide lorsque j'avais remarqué que je m'étais fait duper ? Je me sens si faible à présent, mais sans que je ne comprenne pourquoi, mon sang s'était glacé dans mes veines, j'étais comme tétanisé à l'idée de faire un pas de plus devant moi. Pourtant, j'avais toujours été très courageux selon mes maîtres...Mais cette fois il semblerait que ma soeur ait refusé de coopérer. Hung...Je me sens si mal vis-à-vis de BK-201 qui s'est précipité sur lui comme si ça vie en dépendait, et qui m'a propulsé en arrière pour me protéger en quelques sortes. Qui était-il vraiment ce mec ? Il semble si jeune, et pourtant mature et réfléchi par rapport à moi. Je frappe mon poing au sol en signe d'impuissance avant d'essayer de me lever, l'homme vient de s'enfuir et moi je n'ai rien pu faire pour l'arrêter.

J'aurais tellement voulu prononcer quelques mots pour m'excuser auprès de l'adolescent masqué mais aucun son ne sort de ma bouche tant j'ai honte de ne pas être venu le soutenir. Le combat avait été bref, mais c'est grâce à lui que je suis en vie. Je commence peu à peu à regagner le contrôle de mes sens, mon sang se réchauffe, mon rythme de marche s'accélère et je peux rejoindre mon interlocuteur à l'extérieur du bâtiment. Il me regarde fixement comme s'il cherchait à me faire des reproches, je ne baisse pas les yeux mais croise les bras pour établir comme une barrière entre nous deux. Il prend alors la parole, il faut qu'on quitte les lieux selon lui. Je me retourne et observe le paysage, il est vrai que je ne me sens pas vraiment en sécurité ici d'autant plus que désormais, on peut voir des traces de lutte fraîches dans la boue. Je hoche négligemment la tête et donne mon accord au garçon aux cheveux noirs ébènes.

« Je te suis, j'imagine que je n'ai pas tellement le choix puisque je ne connais pas trop les environs. »

Hum, j'ignore si je prends la bonne décision, après tout je ne le connais pas plus que ça...Une simple discussion autour d'une tasse de thé, c'est tout ce qu'on a partagé ensemble. Cependant, il est vrai que mes maigres connaissances sur le continent Shinobi ne me permettent pas de tracer la route tout seul. J'ai hâte qu'il fasse nuit, ainsi je pourrai regarder les étoiles et me sentir comme au pays, par contre j'espère qu'aucune ne tombera ce soir, j'ai eu mon lot de malheurs ces derniers temps. BK-201 range alors sa tenue de faucheuse noire dans son sac de voyage et commence à composer des signes de main bien connus de nous, Ninjas. Un petit nuage de fumée apparaît, une invocation ? Le brun ténébreux constate avec surprise que c'est un petit renardeau qui apparaît et qui commence à parler.

Bon, je ne comprends rien à ce qu'ils se racontent ces deux là alors je détourne la tête pour essayer de me repérer, je ne sais même pas dans quel pays je suis. Haha, mais qu'est-ce que je suis pathétique n'est-ce pas ? Je me laisse enrôler dans une organisation par simple curiosité et lorsque je me rends à la première réunion, on se fait attaquer. Puis, tout à coup je sens un black out dans ma tête, mon corps ne répond plus et je me retrouve dans une sorte de dimension différente de la normale. Je vois ma soeur assise près d'un lac, je me précipite vers elle malgré le fait que je sais pertinemment qu'il s'agit d'une illusion, je pose ma main sur son épaule. Surprise, elle se retourne, me regarde en souriant et me prend dans ses bras. J'ai envie de pleurer, de lui dire que je n'ai jamais voulu ça pour elle mais au moment où elle me murmure quelque chose à l'oreille, tout s'effondre et disparaît pour laisser place à la réalité.

Il se tenait là, droit devant moi avec toujours son même air inexpressif sur le visage. Il m'avait parlé, je ne l'ai pas écouté...Tant pis pour moi, je vais faire avec. Je le suis donc et je m'enfonce dans cette forêt pas très rassurante en sa compagnie, j'ai quand même confiance en lui...Je pense que malgré les apparences, il ne me laissera pas tomber, enfin je crois. Nous passons à la vitesse supérieure, il se colle dos à un arbre et je fais de même pendant que deux éclaireurs tracent leur chemin sans nous repérer. Il concentre alors son chakra dans ses pieds et commence à courir à vive allure, je n'ai pas une seconde à perdre, il faut que je synchronise mes mouvements avec lui si je ne veux pas être largué avant l'arrivée à la planque qu'il me réserve. La route est longue, pénible...Et pour couronner le tout : Il commence à pleuvoir...

Non effectivement, je suis ravi de voir que tu es conscient que tu n'as pas le choix que de me suivre si tu tiens ne serait-ce qu'un peu à ta peau. Notre course à rythme effréné débute à l'instant même où nous posons le premier pas dans cette forêt, il n'y aura peut-être pas beaucoup d'ennemis sur notre route, mais perdre du temps pourrait leur en laisser pour appeler des renforts. J'ignore encore à quel point mon équipier est fort mais je doute qu'il ait le cran face à des types suréquipés des Ninjas de l'alliance, dans l'histoire c'est lui qui risque le plus gros car étant un Shinobi de Kiri, il ne devrait pas se trouver là, à côté d'un Ame-jin. Je suis sûr qu'il est recherché mais qu'il n'ose pas me le dire ou alors...Peut-être qu'il me tend un piège et qu'il est venu ici pour me livrer à ces sales types ! Je le surveille du coin de l'oeil alors que nous reprenons notre souffle après avoir fait un sprint de 150 mètres environ, non...Il n'a pas la tête à ça.

Bien que douteux, je sais que CK-706 ne me trahirait pas...Pas maintenant en tout cas, c'est difficile à dire mais tous les deux, on est dans la même galère après tout. Enrôlés de force dans l'organisation de Gen, il avait l'air d'être un bon gars dans le fond quand même. Mais ce n'est pas le moment de faire des analyses psychologiques, il vaut mieux fuir maintenant avant de nous faire repérer par un éclaireur. Je retiens mon souffle, concentre mon chakra dans mes pieds pour utiliser la technique de déplacement rapide et fonde à vive allure dans la clairière. Je ne jette pas un seul coup d'oeil derrière moi, je sens sa présence...Il ne m'a pas lâché. Une fois arrivé à Ame, je n'ai aucune idée de là où je vais l'emmener, essayer de le faire pénétrer de force dans le village me coûterait sans doute cher...Financièrement et physiquement, j'ai mauvais souvenir de la dernière fois que j'ai emmené quelqu'un d'étranger chez moi.

Tsukiyo, c'était le nom de la jeune femme qui voulait intégrer les rangs militaires d'Ame à l'époque. J'étais intervenu comme un stupide gamin car je voulais la protéger, je ne sais toujours pas pourquoi j'ai agi comme ça...Je pense que c'était ce pressentiment qui me mettait mal à l'aise, le fait que je ne prête pas assistance à une personne en danger car oui, sans moi, cette fille serait sans doute morte à l'heure qu'il est. Quoique, cela fait longtemps que je n'ai plus eu de ses nouvelles, ils l'ont peut-être lapidé quand elle est partie de chez moi, je m'en voudrais presque si mon hypothèse se révèle être la sinistre réalité. Humpf, quoiqu'il en soit aujourd'hui je me retrouve quasiment dans la même situation, suis-je sur le point de répéter mon erreur ? A 600 mètres vers l'Ouest, je ressens la présence d'ennemis, ce qui me fait sortir de ma rêverie, je décide donc de passer au niveau supérieur et de monter à l'arbre devant moi, la suite de la course se fera dans les airs.

Je vois bien que mon ancien interlocuteur est presque au bout du rouleau, apparemment il n'a jamais encore été mis dans des conditions réelles de guerre, un aspirant...Sans aucun doute maintenant. Rapidement, je saisis mon masque et le place sur mon visage pour que personne ne me reconnaisse dans le coin. Le reste de notre trajet se déroula sans trop de problèmes, nous franchissons désormais la frontière du pays de la pluie, je fais signe qu'on marque une pause, ça ne nous fera pas de mal. Enfin, personnellement continuer ne me poserait pas de problèmes, j'ai encore assez d'énergie pour rentrer au village sans m'épuiser totalement, mais lui semble trouver cette route longue et pénible, mieux vaut qu'il recharge ses batteries ici, dans les marais bordant Ame, personne ne viendra nous chercher ici de toute manière.

« Au fait dans la vie, tu occupes quel grade ? »

C'est l'occasion ou jamais de faire connaissance et d'oublier l'atmosphère lourde et froide qui régnait entre nous deux au moment où nous étions dans la planque de Gen, enfin je pense. J'espère en tout cas qu'il coopérera, faire la route en compagnie d'une personne aussi distante que moi ça ne m'enchante pas à vrai dire, j'ai beau apprécier les personnes qui savent se taire dans certaines circonstances, j'ai du mal à accepter ceux qui aiment la solitude la plus totale. Je jette un regard sur CK-706 sans qu'il ne s'aperçoive de rien, ce type aux cheveux blancs....On va peut-être bien s'entendre malgré tout. De toute manière, nous sommes tous les deux coincés ici pour l'instant, je ne sais pas où aller. Maintenant que je l'ai ramené dans mon pays, j'aurais mauvaise conscience de l'abandonner aux portes métalliques et de rentrer chez moi comme une fleur, alors que risquerait sa vie à chaque seconde.

Il m'arrive parfois de ressentir ce genre de choses, suis-je presque entrain d'éprouver de la compassion pour ce jeune homme ? Haha...Certainement pas, je me dis juste que voilà, tous les deux maintenant, nous sommes obligé d'en savoir un peu plus sur nous-mêmes, Gen ne tolérerait pas de ma part un si mauvais esprit d'équipe, lui qui chante sans arrêt les louanges du duo de choc qu'il formait avec mon père à l'époque de la troisième grande guerre Shinobi, avant que les Hôtobi ne quittent le village pour l'installer en périphérie, loin des problèmes et des conflits. Au moment où mon interlocuteur esquisse une grimace, je me rends compte que la pluie est abondante ici...J'ai l'habitude moi, mais lui - étant donné qu'il est issu d'un clan assez noble si je puis dire - ne supporte visiblement pas les conditions climatiques qui règnent ici. Je connais une grotte pas loin d'ici, ça devrait faire l'affaire une fois qu'on aura fini de se reposer.

Un jour viendra où le ciel cessera de pleurer sur Ame, j'ai juré à Kid que nous seront encore en vie ce jour là et que nous pourrons être fiers car nous ferons partie de cette génération qui aura combattu pour revoir le soleil et l'arc-en-ciel dominer sur les terres de la pluie. Ce pays, c'est notre nation, notre patrie...Celle que je défendrai jusqu'au bout malgré les ordres de Gen, je suis prêt à mourir pour mon village à l'heure qu'il est. Pas pour Pain, pas pour tous ces usurpateurs qui se prennent pour des divinités ou des anges...Non, si je me bats sans relâche, c'est pour qu'enfin Ame soit libéré de son douloureux passé tout comme moi, je souhaiterais l'être du mien. Je sais à quel point c'est dur de vivre avec les regrets et les afflictions d'antan et c'est pour cela que je ne veux pas que la nouvelle génération subisse les contrecoups d'une époque bien trop lointaine pour eux. Je ferme les yeux, une goutte de pluie vient s'écraser sur le bout de mon nez...Tu verras, un jours les hommes de ces terres seront libres !

Notre course s'achève enfin, je commençais à me fatiguer à slalomer entre les arbres et à courir dans les airs pour ne pas nous faire repérer par les patrouilles d'éclaireurs ennemis. Je ne peux retenir un soupir de soulagement lorsque mon équipier marque le signe de halte, je ralentis alors le rythme et pose mes mains sur mes cuisses, le dos voûté afin de récupérer mon souffle au maximum. C'est alors que je constate que BK-201 prend place aux bords des marais interminables à vue d'oeil, je fais donc de même malgré le fait que je sache pertinemment qu'après m'être assis, la fatigue musculaire ne me fera aucun cadeau, mais soit, ce n'est pas grave pour une fois, l'important c'est de sauver ma peau. La tête baissée, je contemple le sol pour ne pas recroiser son regard qui me fait froid dans le dos, je veux à tout prix éviter un contact visuel. Et pourtant, voilà qu'il commence à me parler...Même si je reste amorphe, je sens mon corps tout entier grelotter, est-ce la pluie glacée qui me fait cet effet ? Ou serait-ce par hasard le timbre de sa voix rauque qui me fait frissonner ?

Je n'ose toujours pas le regarder, je sais que c'est malpoli de ma part, mais il semble que même l'âme de ma soeur redoute le pouvoir de ce garçon, c'est sans doute pour ça qu'elle n'a pas voulu que j'intervienne avant...Elle a eu peur pour moi, elle craignait qu'il ne m'attaque en traître alors qu'il se battait contre l'imposteur. Mes lèvres devenues bleues à cause de la température ambiante tremblent, j'essaye tant bien que mal de sortir quelques mots de la bouche mais je n'y arrive pas. Je ne suis pas vraiment habillé pour rester dehors à vrai dire, je ne suis vêtu que d'un simple kimono en coton habituel pour un habitant du pays de l'eau où il règne en cette saison un climat agréable. Mais ici le vent est froid et la pluie incessante, je me demande comment font les Ame-jins pour supporter ce temps toute l'année ? Je relève à peine les yeux vers mon interlocuteur, il porte juste une cape noire par dessus un T-shirt, pas beaucoup plus chaud que moi.

Pourtant lui ne ressent rien ou alors n'en a pas l'air, je suis tellement frustré de me sentir inférieur à lui ! D'être si faible par rapport à tous ces évènements qui me dépassent alors que lui reste insensible en toute situation ! Tuerait-il les membres de sa propre famille pour survivre ? On m'a souvent dit que la mentalité des gens de ce pays était telle, j'ai tellement peur d'être seul avec lui. Peur qu'il m'ait dupé pour m'éloigner de Gen et me tuer, on ne sait jamais à qui on a à faire dans ce genre d'organisation. Je me rends alors compte que je ne lui ai toujours pas répondu, il a dû se laisser d'attendre sur moi. Je relève alors légèrement la tête en évitant toujours soigneusement de croiser son regard avant de bredouiller les quelques mots qui composent la réponse à sa question, bien qu'il a dû s'en douter.

« Je ne suis qu'un aspirant, je suis devenu Genin à l'âge de 14 ans...Presque 15 »

Tellement faible, incapable de se battre, c'est sans doute ce qu'il doit penser de moi. Imaginerait-il une seule seconde que je suis l'auteur des querelles actuelle du clan Ryuuseigun - qui est le mien - car j'ai assassiné sans hésiter une seule seconde, Père et ma soeur ? Je souris tristement, je ne pense pas que ce soit croyable, pas pour lui en tout cas en vue des premières impressions que je lui ai fait. Je le vois plongé dans ses pensées, malgré son jeune âge il semble avoir vécu beaucoup de choses par rapport à moi, longtemps restreint à rester dans l'enceinte du village. Tout a changé le jour de l'éveil de mes pouvoirs mais ça ne fait hélas qu'un an et demi. Avant, je me souviens que j'errais souvent seul dans les ruelles sombres de Kiri, pourquoi seul ? Tout simplement parce que Père avait honte de se montrer en ma présence...Sans mes pouvoirs, je n'avais jamais été considéré comme membre à part entière du clan.

Pas un Shinobi, pas un homme, pas une étoile dans le ciel bleu océan, un déchet...Voilà ce que j'étais autrefois, alors que je n'étais qu'un gamin entraîné pour haïr sa petite soeur. Mais personne n'a jamais réussi à nous séparer, dans nos coeurs nous étions toujours ensemble, nous pensions toujours inconsciemment l'un à l'autre, c'est ce qui m'a aidé à traverser les épreuves que Père me faisait subir lorsqu'il ne t'enseignait pas le Ninjutsu. Mais tu sais déjà tout ça non ? Izue...Tu es la seule personne à l'heure actuelle qui a pu lire dans mon coeur, tu me transmets les émotions que je n'ai plus grâce à son âme coincée dans mon corps, je sais que ça te gêne d'être moi...Je voudrais tellement de parler de tout et même de ce garçon qui nous fait face. Je veux connaître l'origine de sa force et devenir comme lui...N'es-tu pas d'accord ? Il est un excellent modèle pour moi, pour toi et pour le clan...

« Hum...Dis-moi BK-201, pourquoi es-tu si fort ? Il y a-t-il une raison pour laquelle tu te bats avec tant d'ardeur ? Désolé, ça m'embarrasse de t'appeler comme ça mais comme je ne connais pas ton nom. »

Dans cette organisation, tous ont un nom de code d'après Gen, personnellement je n'adhère pas à ce système, à part dans les missions de filature nous pourrions tous nous appeler par nos véritables prénoms ! Décidé à enterrer "la hache de guerre" suite à une rencontre pas très harmonieuse entre nous, je lui tends la main sous la pluie battante, esquisse un sourire presque véridique et lui souffle sympathiquement tout de suite après l'avoir importuné, ne lui laissant pas le temps de répondre et rangeant mes bonnes manières au placard :

« Kazuko-san du clan Ryuuseigun...Enchanté. »

Repartir à zéro, quelque chose que bien des hommes auraient dû faire dans ce monde aujourd'hui dévasté par la haine à cause d'anciennes tensions qui remontent. Ce n'est pas ma guerre, ni celle de mon clan, je devrais renoncer à m'impliquer dans ce conflit international et prouver qu'aucun village n'a de raison pour envoyer des soldats s'entre-tuer chaque jour. BK-201 acceptera-t-il mon geste d'amitié ? Je l'espère...Et Izue aussi.

Je ne sais pas pourquoi mais il semble que mon interlocuteur est décidé à ne pas me regarder dans les yeux, attitude fort malpolie venant d'un homme appartenant à un clan plus ou moins renommé d'après ce que j'ai pu comprendre. Je le vois essayer de bredouiller quelques mots en vain, apparemment la pluie glacée c'est pas trop son truc, j'aurais dû me douter que ses vêtements ne lui tiendraient pas chaud bien longtemps. De toute manière, nous n'avions nulle part d'autre où aller, lui ne savait pas exactement où la planque se situait exactement, quant à moi je n'étais pas autorisé à traverser des frontières ennemies même si j'aurais été accompagné d'un Shinobi de l'alliance. Plongé dans mes souvenirs les plus profonds, je laisse à CK-706 le temps de trouver les mots pour formuler sa réponse, je regarde le ciel pluvieux sans émotion particulière, tout était tellement habituel pour moi.

Il souffle ensuite quelques mots, Genin hein ? C'est bien ce que je pensais, mais il a vraiment commencé sa carrière de Ninja en retard ! Au moment où il est passé aspirant, je venais de passer mon examen de sélection des Chûnins que j'ai réussi avec brio. Je souris légèrement, que de souvenirs cette mise à l'épreuve, des bons comme des mauvais...Cette sensation d'excitation, d'angoisse quand nous étions coincé dans les mines. Malgré toutes les épreuves, Hinata et moi...Aucun de nous deux n'a abandonné même si Samanosuke n'était plus avec nous, notre duo a triomphé de cette tache difficile. Ensemble, malgré nos deux nations antagonistes nous avions su faire preuve d'esprit d'équipe pour surmonter la douleur et les peines, ensemble nous avons revu la lumière et nous nous sommes promis qu'un jour, on se reverrai.

Aujourd'hui les choses sont différentes, la guerre frappe une nouvelle fois le monde des Shinobis et je sais que si je dois recroiser mon équipière lors de l'examen, ce sera pour un combat à mort. J'espère la revoir oui, mais dans un contexte tout autre que le champ de bataille, plus jamais je ne veux voir des camarades tomber sous mes yeux. Je ne veux plus les abandonner et les regretter en prenant leur dépouille une dernière fois dans mes bras, si je veux devenir fort c'est pour ça. Toutes mes émotions envolées depuis cette nuit là, chaque personne appartenant à ma vie m'a aidé à les reconquérir afin que je ne devienne pas plus froid et distant que je ne le fus déjà dans le passé. Si je n'arrive pas encore à sourire, c'est parce que le ciel d'Ame pleure encore. Je me suis tant attaché à ce pays et à ses coutumes que désormais, je sais que je ne pourrais jamais vivre en paix avec moi-même si je ne retrouve pas un ciel étoilé par une nuit d'été, ici...Dans ce pays.

Kazuko m'a demandé pourquoi je suis plus fort que lui ? Eh bien voici la réponse tout formulée...Hein ? Pourquoi est-ce qu'il m'interrompt brutalement comme ça ? Je fronce les sourcils alors qu'il me tend la main avec un faux sourire. Ses cheveux blancs crème fouettant son visage, il se présente sous sa véritable identité. Pourquoi est-ce qu'il fait ça ? Je l'ignore encore, mais je ne peux refuser un geste de camaraderie...Après tout dans cette organisation, c'est un peu comme si nous étions tous des frères non ? Tous dans la même galère, enrôlés par Gen. Je lui serre donc la main mais hésite encore à dévoiler mon véritable nom, mon parrain m'en voudrait-il d'avoir commis un tel acte ? Oh et puis, au Diable les instructions :

« Shintô du défunt clan Hôtobi, moi de même. »

Nos deux mains se serrèrent comme si l'on passait un accord commun pour les jours, mois ou années à venir. Je ne sais pas combien de temps durera ce conflit et combien de temps que je devrais patienter en travaillant au service de l'organisation sous le nom de la faucheuse noire ou plus communément BK-201 mais une chose est sûre, l'avenir devient de plus en plus incertain de jour en jour. Enfin soit, je réponds enfin à sa question :

« Ma force ? Elle provient de tout ce que j'ai à protéger. Mon village, mes camarades et tant d'autres choses. Je ne peux expliquer cet attachement irrationnel à toutes ces entités, c'est pour ça que pour les sauver je ferai tout ce que je peux. N'as-tu personne ou quelque chose à défendre toi ? »

Voilà, tout est dit, il ne reste plus qu'à attendre qu'il me réponde en espérant qu'il ne soit pas comme tous les gens que j'ai pu rencontrer jusqu'à présent. Tous ces Hommes qui n'avaient plus foi en l'humanité et dont l'existence importait peu. Un jour aussi j'ai été comme eux, désespéré et désemparé par les malheurs qui ont frappé ma vie cependant, ce monde n'est pas fait pour les faibles, j'ai dû me plier à des règles strictes et à un mode de vie chaotique, sans force ni espoir on ne peut aller de l'avant. J'ai commencé à croire en les gens qui se disent proche de moi, l'attachement à des objets ou des humains c'est tout sauf explicable, j'en conclu donc que ma force provient d'une source irréelle. Malgré mon vécu, aujourd'hui je veux croire en la vie et en l'avenir sans me soucier d'une guerre qui n'est pas la mienne.

Quand je suis avec ce garçon je me sens différent que lorsque je suis avec le clan, se pourrait-il qu'un jour l'on devienne...ami ? Cette sensation que j'ai eu en lui serrant la main, Izue l'a sans doute ressentie avec moi, c'était comme une vague de chaleur malgré ses aspects froids. Il stipule appartenir lui aussi à un clan, mais il est dans une autre situation que la mienne, apparemment il est le dernier rescapé de sa famille, il y a des jours où je l'envierais sans doute avec sa liberté et cette fierté que l'on peut ressentir lorsqu'on est unique au monde mais au fond, je sens qu'il souffre de son statut. C'est peut-être ça qui nous a rapproché soudainement tout à coup, ce regard exprimant la douleur ne s'arrêtant jamais. Le temps nous a forgé à tous les deux une carapace que nous ne souhaitons aujourd'hui pas briser de peur de nous faire avoir par l'espèce humaine de nouveau. Ici je suis inquiet car je ne peux voir les étoiles, je ne pourrais donc pas savoir si l'un des membres de mon clan meurt le temps de mon absence.

J'espère que Mère va bien, elle qui garde la tête froide malgré les accusations, je sais que devant moi personne n'oserait toucher un seul de ses cheveux mais quand je pars, il arrive toujours des choses étranges. Une seule nuit je m'étais absenté, cela a suffit à un fou furieux pour tuer deux de mes proches, Saitou et Yoru. Bien entendu, ce n'était une surprise pour personne étant donné que l'un des deux aurait dû reprendre le flambeau que Père avait laissé s'éteindre une nuit de Mai cependant à ce moment là, tout le monde a porté ses soupçons contre l'héritier direct - c'est-à-dire moi - et comme Mère m'a soutenu, j'imagine que dans leur tête nous sommes les auteurs de ce crime tous les deux. Gen a sans doute raison dans le fond, le clan Ryuuseigun est condamné à s'éteindre après des luttes internes sanglantes, je doute que les autorités de Kiri puissent réagir face à ça puisque l'élite de notre famille fera taire ces histoires étant donné qu'ils font partie de la police du village.

Tout repose sur mes épaules, voilà pourquoi j'ai besoin d'être plus fort et pour cela, j'ai posé la question à Shintô. Comment faisait-il pour être comme ça ? Pour se battre sans relâche alors que beaucoup abandonnent. Il me répond que c'est parce qu'il a des choses à protéger, je baisse la tête...Comment lui expliquer ma perte d'émotions à cause du rituel qui m'a permit d'obtenir mes pouvoirs ? Vais-je le dégoûter en lui expliquant ma situation ? C'est peut-être encore trop tôt pour lui dévoiler tous mes secrets, je vais d'abord répondre à sa question en essayant de ne pas me trahir. Je tremble encore sous la pluie glaciale tandis que j'essaie de formuler une phrase correcte expliquant vaguement mon cas sans lui donner trop de détails. Izue, s'il-te-plaît...Aide moi ! Je sens alors une bouffée d'air chaud prendre mon corps tandis que je perds conscience peu à peu...Ah cette pluie de malheur !

La dernière chose que je perçois avant de m'abandonner moi-même, c'est le visage masqué de mon interlocuteur...BK-201 ou plutôt Shintô de son véritable nom. Je sombre dans un monde assez étrange, le décor est d'une couleur éclatante et le ciel étoilé brille de mille feux. Maudite pluie, je fais des hallucinations à cause de mon refroidissement, j'espère rapidement reprendre conscience avant que mon équipier ne se fasse trop de soucis pour moi si toutefois il s'en fait. J'entends des bruits de pas arrivant droit sur moi, comme si les pieds de la personne qui marche trempaient dans l'eau. Je tente de saisir mon katana situé habituellement à la ceinture de mon kimono mais étrangement, il n'y est pas. Une voix féminine s'élève dans le vide, je fronce les sourcils alors qu'elle éclate de rire. Encore cachée par l'ombre, elle s'approche de moi et passe ses bras autour de mon cou avant de m'ébouriffer les cheveux. Je n'y crois pas c'est...

« Tu ne croyais plus me revoir hein...Grand frère. »

Izue, je souris amèrement avant de l'étreindre comme nous n'avions jamais eu l'occasion de le faire auparavant. Où suis-je ? Je l'ignore totalement, mais je sais une chose : ici je suis heureux, comme je ne l'ai jamais été avec personne d'autre. Je pose ma main sur son épaule, elle est presque aussi grande que moi malgré nos quatre ans d'écart.

« Je ne veux plus jamais te quitter, je veux juste te protéger...
- Ne dis pas de bêtises Kazuko, c'est toi qui m'a tuée.
- Je ne voulais pas ! Je suis désolé...Je pensais faire ce qu'il y avait de mieux pour nous...Mais je me suis trompé. Regarde, je suis toujours le déchet du clan et par ma faute, Mère est soupçonnée de meurtre. »

La jeune fille qui me fait face secoue alors la tête, je n'avais pas fait attention à quelle point elle était belle au moment où je l'ai tuée. Je m'assois par terre sans rien dire alors qu'elle vient se caler dans mes bras musclés, nous avons toujours été comme des jumeaux tous les deux...Inséparables jusqu'à la toute fin. Elle relève la tête pour me regarder dans les yeux, mes pupilles exprimant à la fois joie et tristesse, elle me souffle :

« Tu as toujours voulu agir dans l'intérêt du clan, je le sais grand frère...J'ai lu dans ton coeur au moment où tu m'as tuée. Fais donc maintenant, continue à oeuvrer pour notre famille.
- Maintenant c'est différent, à cause de moi la famille Ryuuseigun ne sera bientôt plus. Tout ça pour une ambition personnelle démesurée, Père n'est pas responsable de tout ça. Le seul coupable dans l'histoire, c'est moi.
- Kazuko...Que vas-tu...Enfin, que va-t-on faire alors ? Si le clan est condamné, où allons-nous aller ? »

Un instant de silence nous frappe soudainement, je n'ai aucune idée de ce qu'on pourrait faire si jamais les conflits vont trop loin. Je commence à rire nerveusement, elle en fait de même avant de me tapoter amicalement sur le bras. Je réponds enfin à sa question, de manière imprécise mais bon, elle comprendra :

« Si le clan vient à mourir alors je déserterai Kiri. Je n'ai pas le choix, je serai bientôt un homme aux yeux de tous, si je n'ai pas pu assumer la responsabilité d'un clan alors servir ce village ne me sera d'aucune utilité tant que je ne serais pas prêt. Un jour, nous devrons peut-être fuir...Izue, je suis désolé.
- Au revoir Kazuko...N'oublie jamais que je t'aime, grand frère. »

Je me réveille brutalement, mon front plein de sueur, suis-je toujours au même emplacement ? Non...Je ne reconnais pas les environs mais il fait toujours aussi froid, quoique...un peu moins. J'essaie de me lever mais c'est cause perdue, où est passé BK-201 ? M'a-t-il abandonné ?

Le vent souffle fort sur les marais de la pluie, je me trouve actuellement en compagnie d'un étranger ou plutôt d'un type que je connais depuis une journée même pas. Qu'est-ce qui m'a pris sérieusement ? Ce type n'a-t-il pas été pour moi source de contrainte depuis notre rencontre ? Franchement, c'est à croire que j'aime ce genre de mésaventures, je soupire longuement alors que je repense à la journée que j'ai passé. En plus d'avoir sauvé cet imbécile d'une mort certaine, je vais sans doute écoper d'une bonne correction de la part de mon mentor pour avoir fui ainsi. Il est vrai que le code Shinobi stipule que la mort d'un compagnon est parfois obligatoire pour la réussite de la mission, je suis certain que j'aurais pu me défaire des Shinobis adverses seul mais avec un poids tel qu'un aspirant...Au village, on ne nous apprend pas vraiment à coopérer entre nous mais à agir seul et à abandonner si nécessaire.

Tout ce qui importe à Pain, c'est la victoire et sa vengeance personnelle après tout, il s'en fiche du nombre de soldats qui sont tombés au combat pour lui, pour son rêve. J'ai presque honte de servir un tel dictateur mais actuellement je ne suis pas en position de m'opposer à un de ses ordres, je ne suis qu'un Chûnin après tout...Un de ses pions. Je réalise alors que mon interlocuteur est proche du malaise, ses pupilles se dilatent soudainement et il tombe comme une mouche, la pluie a dû considérablement l'affaiblir, c'est vrai qu'il n'est pas vraiment habillé pour une balade pluvieuse en forêt. Je soupire une nouvelle fois, que vais-je faire de lui maintenant qu'il ne m'est d'aucune utilité et qu'il se retrouve coincé dans un pays ennemi au sien logiquement, je pourrais très bien le laisser ici crever, après tout il sera retrouvé mort dans quelques jours et l'affaire sera étouffée.

Mais au final, c'est ma pitié qui prend le dessus, je décide d'endosser son corps inerte et de le transporter jusqu'à une planque que j'avais découverte en fuyant les Ninjas de l'alliance lors d'une furieuse course-poursuite. Le moins qu'on puisse dire c'est que Kazuko n'est pas léger, certes pas gros mais il pèse un peu plus de soixante kilos quand même. Je prends mon courage à deux mains et le soulève avec autant de forces que possible afin que sa tête ne heurte pas les marécages boueux, en même temps je me dois de faire attention à moi-même pour que je ne tombe pas dans les sables mouvants. Son sommeil a l'air plutôt agité, je ferai bien de me dépêcher si je ne veux pas être déséquilibré à cause des mouvements brusques qu'il effectue dans son "rêve".

Je finis par arriver à destination, c'est un petit espace situé entre deux rochers qui nous abrite, ce sera suffisant le temps qu'il reprenne connaissance. Pendant ce temps, je me rends compte que je commence à avoir froid moi aussi, la nuit va bientôt tomber et nous sommes toujours là, sans vraiment de solutions pour que chacun puisse rentrer chez lui. Je me lève alors du par-terre sans le quitter des yeux, il sue vraiment beaucoup. Chercher du bois dans le but de faire un feu de camp, c'est l'objectif que je me fixe avant que CK-706 ne reprenne conscience. Bien sûr, au milieu de cette clairière ce n'est pas aisé de trouver ce que je désire vraiment puisque la plupart des branches sont mouillées, je dois donc discrètement infiltrer le terrain ennemi pour prendre ce que je veux.

Ne pas se faire remarquer, c'est l'une des qualités requises pour être un bon Ninja ! Je maîtrise presque à la perfection l'art de me faufiler dans les ombres des gens, cependant aujourd'hui pas le temps de jouer à cache-cache, le poids de la vie d'une homme repose sur mes épaules. Après avoir récupéré quelques brindilles et branches, je les place soigneusement dans un endroit où la pluie ne pourra les atteindre : la pochette arrière de mon pantalon, réputée pour être étanche. Je me hâte de me rendre au campement où je constate avec soulagement que mon hôte se porte de mieux en mieux. Grâce au Katon, j'allume rapidement un feu et me réchauffe à ses côtés pendant quelques minutes avant de remarquer que je n'ai rien avalé comme nourriture depuis un bon moment.

Je m'absente quelques minutes pour trouver de quoi manger, la récolte n'est pas très fructueuse mais quelques fruits de saison et un oiseau, ça devrait faire l'affaire pour deux affamés, et puis dans la vie il faut manger sainement ! Lorsque je reviens sur les lieux, je m'aperçois que Kazuko est déjà réveillé, il est trempé par la sueur malgré les basses températures, aurait-il fait un mauvais rêve ? Je m'approche de lui et pose mes récoltes par terre avant de passer ma main sur son front, ça va...je ne détecte rien d'anormal. En même temps que je déplume l'oiseau que j'ai attrapé à l'instant, j'entame la conversation malgré qu'il n'a pas l'air d'avoir très envie de discuter.

« Au fait tu ne m'as pas répondu tout à l'heure, y a-t-il des choses que tu voudrais protéger ? »

Suite à ça, je prends mes aises en croquant dans une baie - comestible j'espère - puis j'enlève ma veste trempée afin de me réchauffer complètement, la journée promet d'être longue, j'espère que Gen ne nous retrouvera pas...

Que de révélations aujourd'hui, je ne sais toujours pas comment réagir face à cette hallucination, j'ai pourtant l'impression que dans cette dernière il y a une part de vérité, était-ce vraiment ma soeur qui m'a parlé ? Tous les éléments semblent concorder pour que ceci soit véridique cependant, il y a longtemps que je ne crois plus aux miracles et l'irréel ne me fascine plus depuis que certains évènements ont marqué ma vie. Je pose ma main moite sur l'emplacement de mon coeur, il bat fort...Je ne me souviens pas avoir été dans un tel état depuis des lustres. Je souffle, c'est fini, ce n'était qu'un mauvais rêve à moins qu'Izue puisse vraiment me parler. Mais m'aurait-elle dit ça si jamais cette vision est vraie ? Je ne sais pas, à l'instant où je l'ai tuée il semblerait que j'ai perdu toute émotion, alors pourquoi avec elle je me sentais si serein ? Parce qu'elle m'a dit qu'elle m'aimait et qu'elle me le faisait bien sentir...Peut-être, mais cela n'explique pas pourquoi j'ai ressenti quelque chose à cet instant là.

C'est bien la première personne qui devrait me haïr et pourtant, elle ne semble pas éprouver beaucoup d'aversion envers moi. Je constate alors que je suis torse nu, où est donc passé mon kimono ? Je relève les yeux, il est accroché à une branche d'arbre au dessus d'un petit feu de camp. Serait-ce BK-201 qui prend autant soin de moi ? Je ne peux que lui en être reconnaissant et en même temps, je devrais me sentir gêné. C'est étrange, car dans mon "rêve" j'aurais réellement eu cette sensation de rouge qui me monte aux joues alors que là, je ne ressens rien du tout, mon visage n'exprime aucun sentiment particulier et mon air est toujours morose. Je fais la même tête que mon équipier ! Lui aussi aurait eu recours à un tel rituel pour obtenir ses pouvoirs ? Je ne pense pas que lui poser cette question soit une bonne décision, c'est pour ça que je me promets de me taire lorsqu'il reviendra.

Oui, je suis absolument certain qu'il reviendra, ne me demandez pas pourquoi car je n'en sais rien, j'ai cette intime certitude que malgré ses airs froids il a aussi une âme. Il me l'a dit tout à l'heure, sa force provient des choses qu'il a à protéger, à commencer par son village et ses compagnons d'armes. C'est triste, quand il dit ça j'ai l'impression qu'il ne fait pas vraiment quelque chose pour lui-même, on dirait qu'il agit dans le but de plaire aux autres et d'obtenir leur reconnaissance, serait-il un garçon encore plus mélancolique que moi ? J'esquisse un léger sourire, encore une victime des vices du monde Shinobi, je me sens tout à coup moins seul dans la souffrance. J'entends des bruits de pas se rapprocher de moi, je tourne rapidement la tête et aperçoit BK-201 revenir avec des choses qui paraissent comestibles, j'essaie de me lever mais mes jambes sont encore trop faibles pour exécuter l'action que mon cerveau leur ordonne de faire.

Sans comprendre réellement ce qu'il fait, je le vois jeter à mes côtés tout ce qu'il a pu trouver pour le nourrir...Que dis-je ? Il semble avoir rapporté assez de nourriture pour deux, je déglutis difficilement...Je n'aime pas me sentir assisté de cette manière. Mon regard aimerait lui exprimer ma gratitude mais rien à faire, mes pupilles bleu azur restent inexpressive à l'instant où il pose sa main sur mon front. Je baisse alors la tête, à part Mère personne dans le clan n'a été aussi attentionné envers moi, j'n'ai toujours été qu'un déchet de cette famille de toute façon, et aujourd'hui je suis l'ordure la mieux placée pour reprendre les rennes du clan alors même que je ne suis qu'un aspirant. Je n'ai jamais rien demandé de cela, tout ce que je voulais c'est plaire à Père en m'appropriant d'un pouvoir, mais l'esprit d'Izue avait pris le dessus cette nuit là et sa vengeance est devenue mienne. Tout à coup, Shintô reprend la parole comme si mon malaise n'avait jamais eu lieu, je ne sais toujours pas quoi lui répondre ou plutôt comment le formuler...

« Autrefois j'avais des rêves à protéger, mais en une seule nuit j'ai tout perdu. Maintenant...Je ne vis que pour ma soeur Izue, c'est la dernière personne pour laquelle je veux éprouver des sentiments. »

Je ne sais pas comment il va réagir en entendant ceci, il pensera sans doute qu'une relation incestueuse est au coeur de l'histoire. Non, j'ignore encore pourquoi mais Izue semble être tout ce qu'il me reste malgré le fait qu'elle n'existe plus vraiment, elle est dans mon coeur aussi immatérielle et instable qu'un nuage. Maintenant que mon âme et la sienne partagent mon corps, je ne veux plus qu'elle parte, plus que ça encore...Je veux complètement fusionner avec son âme, je ne veux plus aucune distinction entre elle et moi, juste un "nous" et ensemble "nous" prouverons à notre clan qu'ils ont eu tort de vouloir nous séparer à l'époque. L'amour fraternel peut dépasser n'importe quel autre sentiment car nous sommes unis par le sang mais également par le coeur, Izue et moi ça a toujours été plus que ça...

Manger est essentiel pour tenir le coup quand on est en mission, mais à part ça ce serait vous mentir de vous dire que je n'aime pas me goinfrer quand j'ai le temps pour. J'ignore si Kazuko est dans le même cas que moi mais en tout cas, si nous sommes tous les deux de gros morfales il va falloir se restreindre un peu aujourd'hui, mais l'important après tout, c'est le fait qu'on se soit suffisamment rempli la panse pour ne pas craindre un malaise. Je m'atèle donc à la dure tache de déplumer l'oiseau tandis que Kazuko reprend peu à peu ses esprits. Lorsque je lui repose ma question, il semble d'abord ne pas savoir quoi répondre, je me dis que ce n'est pas grave car nous sommes encore jeunes et que nous avons le temps de nous trouver une "raison de vivre" mais lorsqu'il ouvre la bouche, je suis totalement stupéfait, je ne m'attendais pas à ça.

Il ne semble plus réellement éprouver de sentiments, presque comme moi, mes émotions ne m'apportent pas grand chose, je ne ressens que des vagues de chaleur diverses qui m'indiquent comment je suis censé me tenir dans telle ou telle situation mais je suis incapable de mettre un mot sur mes ressentis. Cependant, CK-706 est encore un être à part, une personne différente car lui a encore une personne en qui il peut placer ses espoirs : sa soeur. Que lui ont fait les autres membres de sa famille pour qu'il devienne ainsi ? Je l'ignore et je ne veux pas le brusquer, je m'abstiens donc de toute réponse à son affirmation. Je n'arrive pas à comprendre le fonctionnement des êtres humains, avec le temps passé seul j'ai dû devenir une sorte de coquille vide de toute âme, seule ma conscience me permet de penser mais je n'ai rien en tête, j'agis juste rationnellement.

Mes yeux reflètent le néant absolu, j'ai mes attaches à des entités mais je suis incapable de l'exprimer, face à des personnes qui ont la capacité de ressentir, je me sens totalement impuissant car je ne peux leur rendre la pareille, c'est ce qui me rend froid aux yeux des autres. J'ai toujours vécu dans une espèce de carapace depuis mes huit ans, la seule à l'avoir brisée fut cette fille originaire d'Iwa, Mizoe. Mais aujourd'hui, les choses ont fait que malgré les sentiments que j'ai pu éprouver elle, je ne me sens plus comme avant. Je sais tout de la guerre, cette année qui vient de s'écouler m'a appris à quel point je me fourvoyais sur la définition d'un Shinobi. Autrefois, j'avais la conviction qu'un Ninja était une personne fière avec un certain sens de l'honneur mais depuis peu, j'ai appris que c'était exactement l'inverse.

Un Shinobi est condamné à être couvert d'infamies, on ne peut que détester une personne qui abandonne les siens dans le but de remplir de l'objectif de la mission, cette mission qui était mienne et que j'ai mené à bout. J'ai laissé mes propres compagnons se faire exterminer sur le champ de bataille pour permettre à d'autres Ninjas du village de s'infiltrer dans le territoire adverse. Je serre encore le poing car je sais à quel point j'ai été lâche et stupide d'obéir aux ordres. Actuellement, Ame est sous le joug d'Akatsuki officieusement, officiellement il est redevenu le village neutre et pacifique qu'il était avant la troisième guerre Ninja. A priori, personne ne devrait s'en plaindre puisque c'était l'objectif premier de nos dirigeants, retrouver la paix jusqu'à nouvel ordre. Cependant, il semblerait que la plupart des habitants de ce village aient pris goût à ce conflit qui pour moi n'a aucun sens, au point que seule l'image d'une vengeance factice et inutile les anime.

Le temps que je réfléchisse sur l'avenir des miens et du monde Shinobi, la cuisson est fin prête. Je sers à tour de rôle Kazuko puis moi-même avant d'entamer un repas dans le silence absolu. Sans se parler, nous savons tous les deux que les récents évènements ont changé nos vies. Je suis sûr que lui aussi, sa blessure est assez récente même s'il ne semble pas vouloir en parler, il a peut-être honte. J'ai envie de lui dire que moi aussi j'ai commis des actes dont je suis peu fier, mais finalement ma gorge reste nouée et je suis incapable d'émettre le moindre son. Je sors à l'extérieur de la planque pour me rincer les doigts puis je reste quelques minutes sous la pluie battante, je ferme les yeux et imagine qu'à la place des gouttelettes, c'est un doux rayon de soleil qui vient me caresser le visage. Je place alors ma main sur mon sabre, les yeux toujours fermés, je me demande ce que serait le monde si actuellement, l'espoir remplacerait la haine.

Je me tourne vers mon ancien interlocuteur qui vient de finir de manger à son tour, il semble aller mieux. Si je ne peux l'emmener chez Gen, je me sentirais coupable de le laisser ici alors qu'à n'importe quel moment il risque la mort s'il n'est pas accompagné d'un Ninja de l'alliance des ténèbres. Non sans soupirer, je me rends compte que je dois l'emmener chez moi, peut-être que grâce à la guerre j'aurai moins de difficultés à le faire entrer dans le village. Je rentre à l'intérieur de la planque et décroche son kimono de la branche d'arbre, il est presque sec. C'est l'heure de partir, je lui fais signe de se lever et de vêtir avant de sortir du repaire. Je lui donne tout de même un dernier conseil :

« Enlève ton bandeau frontal, on ne sait jamais. »

HPRG : Suite du RP dans les jours à venir.