A cette époque, je n'étais qu'un gamin, un simple Genin de douze ans; ma formation avec mon père Masamori touchait à sa fin. Avant de devenir un aspirant ninja, j'avais mêlé ma sueur à mon sang pour parvenir à décrocher le bandeau frontal où l'insigne du village caché d'Ame faisait de moi un ninja de cette nation à part entière. Ma mère m'avait fait comprendre qu'un membre de notre famille qui n'obtenait pas le titre de shinobi ne méritait pas l'honneur d'être un Ryūmōsei, et même un Kyūsei. Ses paroles étaient des flèches qui vous transperçaient le cœur, et dont le bout aiguisé et empoisonné vous faisiez comprendre la dure loi du clan lorsque l'on s'égarait de trop. Mon cœur ayant été mutilé par l'absence de vrais parents attendrissant, prônant l'affection et le bonheur, ce fut mon enveloppe charnelle qui me maintenu à la réalité. Comme un musicien reconnaissait la note que jouait un de ses confrères sur un quelconque instrument, j'étais finalement capable au fil des années de douleur d'identifier au toucher l'outil de punition qui frappait avec violence mon dos frêle. Généralement, il s'agissait d'un grand bâton, qui avec le temps ne s'était pas brisé. Et pourtant, il avait connu des générations bien avant moi, d'Absorbeurs d'Esprit, et même d'autres catégories de notre noble clan qui restaient têtus malgré les avertissements.

Ce temps fut vite révolu lorsque je fis la rencontre de Masamune. Ce membre de ma famille insoupçonné, fut mon libérateur. Mon père me confia à son frère ainé, en lui demandant de m'enseigner tout ce qui était possible d'apprendre en tant qu'Impur, voire au-delà. Du peu de fraternité qu'avait mon père et Masamune, mon géniteur fit part à mon oncle de ses impressions sur mon grand potentiel. Après quoi, je fus désormais sous la tutelle de mon oncle. Le domaine de ma famille étant grand, j'avais changé de terrain d'entraînement. Il était bien plus petit certes, mais à mon jeune âge, la superficie du tatami m'importait. Tant que je ne prenais pas de coups hormis ceux pendant l'entraînement. Durant les premiers jours, mon oncle fut assez clair: il voyait de grands espoirs en moi. Si j'avais un grand potentiel, selon mon père, selon Masamune, j'étais capable d'améliorer les conditions de nos confrères de la dernière branche du clan. Je n'y croyais pas, pensant qu'il s'agissait encore d'une rêverie utopique, et d'ailleurs, à l'heure actuelle je n'y crois toujours pas. Encore moins même, puisque j'avais mes idéaux, et même si ma condition de Kyûsei pouvait être amélioré, le passé ne pouvait changer. Mais qu'importe, car après une semaine d'arrangement et petits tests sans importance, nous passâmes plus sérieusement à la suite.

Encore dans le dojo, il souhaita après les exercices, c'est-à-dire le lendemain de la fin des épreuves, me montrer un petit quelque chose. Je m'étais assis au sol, pendant qu'il me fit sa démonstration. L'air attentif, et surtout curieux, je m'attendais à tout et n'importe quoi. Il me présenta tout d'abord un cobaye, un simple clone de terre de sa composition qui se mit à ses côtés. Jusque là, rien d'extraordinaire, en plus de savoir que mon oncle possédait l'affinité Doton. Puis il commença à charger sa main en chakra. Afin que je puisse bien décomposer chacun de ses gestes, il laissa d'abord son chakra sous sa forme la plus pure, avec une teinte bleutée. La coloration bleue se dissipa par la suite, et laissa au final une sphère de chakra de couleur grise. La magie commença s'opérer et en tant que jeune Genin, j'étais époustouflé par la splendeur sobre de cette technique. Masamune-ojisan me regarda et me demanda alors d'être très attentif à ce qui allait suivre. J'obéis et m'avançai de plus près devant mon oncle et son clone Doton. De sa main chargée en un chakra gris, il donna un coup précis dans l'arrière du coude de son clone. Le choc fut bref, car la paume de mon oncle agrippa violemment au bras de sa cible. Un bruit électrique sortit des pores de la peau artificielle du génome de boue, qui souffrant, disparut dans un tas de terre. Installé côté extérieur, le tas de terre fut balayé par le vent. Pendant que la bourrasque effaçait les traces du Tsuchi Bunshin no jutsu, je restais perplexe face aux effets de cette technique.

Toujours aussi curieux, je me levai dès lors pour demander à mon oncle la composition de cette technique. Était-ce du chakra sous sa forme Raïton ? Et si non, par quel procédé parvenait-il à utiliser de l'électricité ? A peine eus-je le temps de prononcer une maigre syllabe à peine audible qu'il déclara dos à moi:

— Connais-tu le style de combat des Ryūmōseis, Munashii ?
— Oui, nous utilisons le Raïton, et combinant cette affinité de base avec l'autre pour permuter l'attaque et la défense. Cela empêcher l'adversaire de...
— Non. Tu n'as pas compris ce que je veux dire. Je ne te parle pas de la façon dont nous nous battons, ni des stratégies dont nous faisons preuve pour éliminer nos adversaires. Je te parle de l'essence même de notre style de combat. Le concept des Ryūmōseis.
— Et bien, à vrai dire, je n'en ai pas la moindre idée, senseï...
— Ce n'est pas grave, tu es encore jeune pour cela. Tu as encore le temps pour murir et comprendre les paroles que je vais te dire. Retient bien ce que je vais te raconter. En tant que manieur de foudre, et descendants de Raïjin, nous avons une partie de notre sang qui est pur. Mais nous sommes également des Absorbeurs d'Esprit, des Kyûseis. Pour nous efforcer à surpasser les barrières héréditaires qui ont fait de notre branche la plus faible des trois, nous avons du penser longuement, durant ces années où notre pouvoir ne pouvait s'exprimer, se dévoiler au grand jour. Mais maintenant que nous pouvons agir, nous avons acquis une puissance tout à fait nouvelle: l'absorption de l'esprit. Si le corps n'est qu'une gangue de chair et de sang éphémère qui se meurt dans le temps, l'âme est éternelle; lorsque l'extérieur disparait, l'intérieur s'évapore en attendant de pouvoir trouver une nouvelle enveloppe charnelle. L'âme est la volonté, le corps est l'outil qui permet à cette volonté de s'exprimer. La force des Ryūmōseis, issus du dieu de la Foudre, est d’annihiler cette volonté. Au lieu de toucher cette carapace de muscles et d'os, nous allons au-delà pour toucher la conscience de l'être que nous affrontons.

Il marqua une pause. Il avait parlé un certain moment, durant lequel j'étais assez troublé. Ces dernières paroles m'avaient notamment rendu confus: être capable de toucher l'esprit de son adversaire ?! Je ne saisissais pas encore. Du moins, je n'avais pas vu la chose sous un angle plus philosophique. Sous cette métaphore qui semblait se transmettre de génération en génération dans mon clan, il m'avait fait une introduction à ce dont il souhaitait m'apprendre. Puisqu'il était dans une longue tirade qui me permettrait de comprendre l'origine de nos pouvoirs, je me rassis sur le tatami et d'une oreille attentive, le laissai poursuivre:

— Être capable de frapper directement l'adversaire à l'intérieur, voilà notre pouvoir Munashii. A l'extérieur, la souffrance n'est que superficielle: les plaies peuvent se refermer, le sang se renouvelle. Cependant, la technique que je vais t'apprendre aujourd'hui est d'un autre genre. Même si la douleur est éphémère dans le temps, les effets de ce jutsu laisseront à jamais une empreinte dans la conscience. Cette technique, tu te doutes bien, c'est celle que je t'ai montré tout à l'heure. Son nom est le Kaminarisei no Haretsu. Ce kekkaï genkaï de la branche Kyûsei est simple en apparence, mais tu le verras, difficile à apprendre au tout début: il consiste à envoyer une onde de chakra qui poussera la cible à augmenter la tension dans l'influx nerveux, en la multipliant par un nombre suffisamment grand pour infliger des dommages internes. Vas-y, concentre dans ton chakra dans ta main, et essaie de lui donner l'affinité Raïton. Mais arrête toi à moitié dans ce processus pour créer cette fameuse lueur grisâtre.

Le nom de ma technique en tête, j'avais également retenu les instructions de mon oncle et senseï pour débuter l'apprentissage. Je me levai, reculai de plusieurs pas, puis me mis à la tâche. Concentrer du chakra dans ma main était aisé. J'avais appris cet exercice depuis mon jeune âge, et créant une aura bleue dans ma dextre, je fus fier de mon exploit anodin. Histoire de m'échauffer, j'avais répété plusieurs fois cet exercice, en sachant que la suite me forcerait à revenir sur cette phase aussi primaire que basique. Et puis de toute manière, cela ne pouvait me faire que du bien. Au final, j'avais mis ma main droite autour du poignet de ma main gauche pour m'aider à la tâche.

La seconde étape fut bien plus difficile que la première, et le temps fut bien plus long pour que je comprenne l'astuce. Au début, je chargeai mon chakra dans ma main gauche, lui donnai une forme sphérique bleu entourant l'intégralité de ma dextre, puis effectuai l'insertion de l'affinité Raïton. Une fois que des éclairs s'échappaient des pores de ma peau - ce qui prit environ une dizaine de minutes avant que je puisse y parvenir correctement - je soufflai. J'avais déjà fait un bon morceau. Il ne me restait plus qu'à rabaisser l'évolution de mon chakra Raïton pour en faire une forme à chemin entre le pur et le chakra électrique. Mais alors que j’accédais à cette phase, la sphère de chakra devint instable. Pire encore, des éclairs s'échappèrent dangereusement de ma paume, ma sphère de chakra se désintégrant avec violence. Un peu frustré par ma performance, j'avais réessayé pourtant l'opération, pensant être sur la bonne voie.

Ce fut au bout d'une trentaine d'échecs consécutifs que je compris mon erreur. J'avais procédé à l'envers, m'obligeant à échouer à chaque fois. Au lieu de me rapprocher du chakra Raïton, j'y accédai directement puis m'en éloignai. Mon oncle était parti quelques instants pour prendre l'air, et au moment où je revenais sur le bon chemin, il revint également pour me superviser. Sur le coup, ma main était enfin entourée d'une lueur grisâtre, comme prévu. Un léger sourire sur mes lèvres, mon oncle se rapprocha de moi, et croisant les bras, il désigna au fond de la salle un sceau. L'inscription, comprenant des symboles que j'étais incapable de déchiffrer, servait justement à l'apprentissage de la Rupture du Fluide du Tonnerre. L'utilité du sceau était simple: comme un vrai cobaye, le sceau implosait si le voltage créé était suffisamment fort pour qu'en réalité les dommages internes soient importants. Approuvant l'efficacité de ce Fuinjutsu, je me dirigeai sur ce dernier, accompagné de près par mon senseï.

La première fois étant un échec, je recommençai autant de fois que possible. Ma réserve de chakra étant faible à l'époque, j'avais prolongé mon entraînement sur plusieurs jours; pour carrément l'étaler sur deux semaines. Au final, Masamune était fier de moi, tout comme je l'étais de ma nouvelle technique. Étrangement, je n'avais pas vu le temps passer. La raison était simple: mon oncle était bien plus qu'un simple senseï. Il était le membre de la famille, le soutien que je n'avais pas eu au cours de ces dernières années...