Kyûsei, Kaminarijin, Heiden... trois branches, trois pouvoirs et trois puissances croissantes pour un seul clan, le mien. Nous possédions le même nom, et pourtant nous n'avions pas totalement la même identité. C'était ainsi, chez les Ryūmōseis... chaque soir, avant de me coucher, je soupirais un instant, comme pour rendre hommage à une chose de valeur, en pensant au sort des Absorbeurs d'Esprit. Je pensais également aux quelques paroles utopiques de mon oncle Masamune, qui songeait un jour à ce que la condition des Kyûseis s'améliore au même rang que celle des Kaminarijins ou des Heidens. Après quoi, je tentais de dormir, dans l'obscurité nocturne bercée par la pluie divine d'Ame.

Alors que mon oncle Masamune était encore en déplacement, pour effectuer une mission de rang B à Umi no kuni, je fus forcé de devoir lutter contre ma famille. Cela n'avait rien d'un combat suicidaire, mais plutôt d'obligations, que mes parents me forçaient à devoir faire face. Ainsi, un beau matin, ma mère me convoqua dans une salle carrée, tout en bois d'un style traditionnel digne d'un ancien clan. Le domaine de ma famille était grand, raison pour laquelle je ne connaissais pas tellement cette petite pièce. Une fois à l'intérieur, je me mis face à ma mère en tailleur, tout comme elle. Avant de prendre la parole, ma mère échangea un regard froid avec moi. Je savais qu'elle ne me portait pas vraiment dans son cœur, mais justement, c'était réciproque. Pour elle, j'étais un simple shinobi de notre clan, qu'elle avait mis au monde. Un Impur qui devait désormais faire résonner le nom d'Ame no Onryô dans le monde, tout celui des Ryūmōseis. Depuis toujours elle avait préféré ma grande sœur Honami. Pour moi, elle n'était qu'une vieille folle, une sorcière qui se plaisait à me jouer des tours. Désormais, elle n'était pas "maman'", mais Megumi-okasan. Et encore, du peu de fois que je venais à discuter avec elle, comme ce jour-ci, j'essayais d'éviter de désigner ma génitrice par une quelconque appellation, préférant parler avec ma mère en employant le vouvoiement via la seconde personne du pluriel.

Nous discutâmes alors de mes dernières missions; ma mère était intransigeante avec moi, et la moindre erreur aurait été fatale. Je parlais donc avec subtilité et astuce de mes trois dernières missions D, que j'avais accompli avec brio. Tout d'abord, la livraison d'armes pour une petite base en retrait situé de l'autre côté du Marais de la Pluie. Rien de spécial dans cette mission paradoxalement, j'avais simplement fait mon devoir, en allant chercher la cargaison chez un forgeron, où je passai ma commande. De là, je n'avais plus qu'à amener les armes et équipements ninjas dans le campement. Je lui fis part par la suite de mes deux autres missions D, mais soudain, alors que j'allais devoir expliquer la difficulté avec laquelle je parvins à tuer selon mes souhaits un traître de Genin, en sachant que ma mère allait me tirer les vers du nez, ma grande sœur arriva en trombe dans la pièce. Avec son air ahuri, elle donnait l'impression d'une gamine. Pourtant, elle était bel et bien plus âgée que moi. Habituellement, j'aurais juré qu'elle m'aurait ignoré à coup sur, pourtant, elle baissa sa tête et me regarda avant de s'écrier:

— Ah te voilà enfin Munashi-inu ! Je te cherchais partout depuis tout à l'heure ! Papa a dit que je pouvais t'affronter, suis-moi !
— Excuse-moi si tu es atteinte de cécité, mais, j'étais en train de discuter avec Mère.
— Munashii, je te prie de mieux t'exprimer devant ta sœur ! Ma chérie, c'est bon, je te le laisse. Tu as entendu fils ? Va suivre Honami maintenant. Et ne t'avise plus de mal parler en ma présence, et même durant mon absence !

Comme d'habitude, je fus obligé de me courber aux envies de ma sœur. Pour le coup, il est vrai que cette situation m'arrangeait, car ma mission B la plus récente n'était pas la meilleur à mon palmarès, loin de là. Quitte à devoir céder aux caprices de Honami, autant le faire bien, afin de pouvoir partir la queue entre les jambes. Je me levai, et sans me retourner pour saluer ma génitrice, je suivis ma grande sœur le long du couloir au parquet. A l'abri de la pluie, la fraîcheur me donnait un peu de vivacité. Ma discussion avec ma maternelle m'avait profondément ennuyé, et sentir l'air humide sur ma peau me redonnait la motivation nécessaire à cette étrange journée. Qui plus est, j'avais horreur que ma sœur me surnomme Munashi-inu. Me traiter comme un chien dans les deux sens du terme prenait des proportions agaçantes à mes yeux. Et lorsque nous nous arrêtâmes dans un vaste dôjo de notre clan, la surprise prit fin. Décidément, cette garce ne pouvait s'empêcher de m’impressionner. Elle m'ordonna de me mettre en garde, et de me préparer au combat qui allait suivre. Avant même de pouvoir faire quoique ce soit, elle me somma de jeter mon arme, afin que le duel soit plus équitable. Tout en soupirant, je décrochai ma griffe de son étui et la fit glisser le long du tatami, avant que les lames d'acier ne s'arrêtent contre un mur.

Les clauses de notre affrontement établies, je me concentrai sur les pieds de ma sœur. En effet, l'instant décisif où elle allait foncer sur moi à toute allure se verrait à son jeu de jambes. Et ne je pouvais me permettre de recevoir avec vélocité un premier coup de Honami, qui n'attendait que ça pour m'humilier et m'insulter comme auparavant. Bougeant lentement, sur le côté, de droite à gauche je la perturbais, afin de lui faire perdre sa concentration. Pourtant, ma tentative de bluff était vaine. Je savais pertinemment que si Honami était douée dans un domaine autre que les arts ninjas, c'était bien la vitesse. Il s'inclina légèrement, ses jambes se pliant pour prendre appui au sol, et soudain, plus rien. Une simple image floue d'elle qui se dissipa comme un mirage effacé par le vent. Mes bras me servant de bouclier, je déplaçai mon regard de long en large autour de moi, et tout à coup, Impact.

Ce n'était pas que je n'aimais pas chercher la puissance dont je rêvais pour accomplir mon Nindô. Au contraire, je me devais d'affronter n'importe quel type d'adversaire. Mais ma sœur était un cas complexe, un mélange de folie, et de joie enfantine du combat, du sang et de la mort. Le tout dans un corps de demoiselle, à la jonction entre lolita et shinobi. Je n'appréciais pas combattre Honami, tout simplement parce qu'elle ne savait pas respecter les règles ancestrales et le code du ninja. Et puis aussi, car elle prenait un plaisir malin à me courber devant elle, avec ses techniques démentielles, en parfait contraste avec son aspect fragile.

On m'avait surnommé le Fantôme d'Ame, un titre en parfait accord avec ma personnalité, mes méthodes de combat et mes qualités de ninja. J'avais ma dignité moi; je n'étais pas une vulgaire poupée de porcelaine se maquillant avec le sang de ses ennemis. Et pourtant, m'écrasant sous la force de son coup de poing, je fus repoussé sur quelques mètres, avec la nette impression que Mère Nature est capable de faire bien des bizarreries en ce monde souillé par l'hérésie.

A mon plus grand regret, le combat débuta comme il fallait s'y attendre, c'est-à-dire avec un net avantage pour mon adversaire. Honami, en un éclair, disparut de sa position, et réapparut presque aussitôt devant moi. Elle se tenait là, un sourire sadique sur les lèvres, son poing brisant ma garde. Ce n'était que le début, et pourtant, je sentais qu'elle voulait tout donner. La puissance de son coup en témoignait, puisque mes bras s'écartèrent, et me firent basculer violemment en arrière. Je n'avais en aucun cas le temps de me reposer pour récupérer de cet assaut, car je savais pertinemment que ma sœur ne m'en laisserait nullement le temps. Prenant appui sur ma paume posé au sol, je me relevai d'un bond, prêt à me défendre. La frappe de Honami était certes puissante, mais manquait en précision. Les coups qui allaient venir étaient par conséquents de ce gabarit, et donc facile à éviter, ou à l'inverse, plus précis, et donc à anticiper.

Néanmoins, la théorie est toujours plus évidente que la pratique, et dans mon cas, j'allais en payer le prix fort. Mon adversaire revint à la charge, toujours plus vive que jamais, et me porta un second coup de poing. Instantanément, je bloquai le mouvement avec ma main enserrant avec une poigne d'acier le poing de Honami. Elle me fit comprendre que son autre poing était libre et alors que je m'apprêtai à parer son nouvel assaut, ce fut finalement avec sa jambe qu'elle me toucha. Sa jambe gauche me percuta avec douleur sur les côtes, et touché au côté, je fus une deuxième fois envoyé valser au loin. Je n'étais pas assez concentré à mes yeux. Peut-être était-ce l'expression si hypocrite de ma sœur qui me perturbait ? Après tout, elle paraissait souriante, chaleureuse, mais il n'en était rien. Tout comme les autres Heidens, elle ne me voyait que comme un vulgaire pion, un sous-fifre lié seulement avec le clan que par la même dénomination. Derrière son maquillage et son visage angélique, elle cachait une personnalité bien plus complexe que la mienne, profond mélange de haine primitive et de pulsions meurtrières.

Si elle avait envie de réaliser une espèce de vengeance, quant à moi, j'avais un but à accomplir. Et dans cette optique là, je serrais les dents, et ma volonté de gagner en puissance en tête, je me ressaisis en cours de chute. Cette fois-ci, je ne tomberai pas. Mon bras s'interposa entre le tatami et moi, et à la manière d'une perche, me redressa debout. Encore une fois, Honami ne me laissait aucun instant de répit pour souffler. Étrangement, il fallait avouer que c'était tant mieux ainsi. De cette manière, je n'avais pas le choix et devait me concentrer à fond pour pouvoir espérer vaincre celle qui avait lancé ce duel tout à fait inégal. Elle arriva donc sur moi, prête à m’asséner un nouveau déluge de coups.

Maintenant que j'étais prêt à la recevoir comme il se devait, je soufflai un bref instant avant de me relancer dans une danse frénétique, où les esquives se mêlaient aux coups. Ma sœur, un air toujours mensonger, trahissait sa rage dans un sourire bien trop forcé. Elle perdait patience, à augmenter la cadence tout en réduisant sa précision. De mon côté, j'usais de toutes les ruses possibles pour éviter d'être toucher comme auparavant. J'utilisais mes bras pour repousser ses poings, je reculai, et parfois, suivant l'adage qui déclare que la meilleure des défenses n'est autre que l'attaque, je tentais de la toucher avec mes mains. Nous bougions à travers la salle, avec comme seul bruit celui de notre respiration saccadée se mêlant au choc de nos membres supérieurs. Je parvenais à lutter convenablement face à Honami, et cette satisfaction ne cessait de me rendre plus performant.

Mais évidemment, il fallait bien se douter qu'une simple bataille à mains nues ravirait la Heiden. Il tenta de me donner un puissant coup avec sa jambe, que je bloquai avec mon coude. Elle recula dès lors, et alors que je m'épongeai mon front en sueur avec ma manche, elle soupira. Elle ne semblait pas avoir été épuisé par cet affrontement. La connaissant, ce n'était qu'un simple échauffement pour elle. Pour moi, c'était déjà un lourd début de combat. Inutile pour elle de s'attarder sur les détails, elle commença à composer des signes incantatoires, et vint me déclarer de sa voix douce:

— J'espère que tu es prêt pour la suite, parce que je commençais sérieusement à m'ennuyer ! Raïton, Raïfuusetsu no jutsu !

Sa technique, le jutsu du blizzard électrique, ne me donnait guère envie de poursuivre ce duel, qui à la base m'était imposé. Elle joignit tout d'abord ses deux mains, afin de condenser une certaine quantité de chakra. Après avoir formé une masse sphérique de chakra jaune clair, elle plaça ses deux paumes face à moi, les doigts superposés. De ses dextres émergèrent une véritable tempête, où des filaments électriques se frayaient un chemin devant des courants de chakra. La zone perturbée, un espèce de cylindre qui prenaient du volume au fil du temps, était moins puissant au fil du temps. Je devais donc reculer, afin de limiter les dégâts. Il n'y avait pas de secret. Pourtant, il m'était impossible de reculer sans devoir me retourner et donc de perdre du regard ma sœur. Dans ce cas précis, elle pourrait profiter de cette erreur pour me surprendre et m'attaquer de plus belle.

Pour faire, j'eus la bonne idée de créer un clone de foudre, qui me permettrait de prendre du recul. Tout se fit à la va-vite; je n'avais pas pu finir ma série de mûdras que je m'étais retourné, laissant face à la bourrasque électrique mon Raïbunshin. Ce dernier accomplit ce qu'il avait à faire, en attendant que la technique arrive, puis à foncer droit devant pour qu'en disparaissant dans un éclat d'éclairs, il contre une partie des faisceaux de foudre de Honami. Mon plan avait semblait-il fonctionné: se sacrifiant pour moi, mon double de chakra Raïton s'effaça en perturbant le Raïfuusatsu. Les fils de foudre étaient déviés, et partirent s'écraser dans de multiples directions. Le reste était à présent trop loin pour avoir le moindre effet néfaste sur moi, bien que les plus rapides d'entre eux vinrent à ma rencontre, leur composition extrêmement dense en chakra me tailladant légèrement les jambes et les bras.

Après le calme, la tempête, dit-on. Avec Honami, chaque moment de calme cache une vaste tempête en préparation. Je m'étais assez bien sorti de sa première technique à base de chakra. Et je trouvais cela bien trop suspect, tant sur la facilité avec laquelle je m'étais débrouillé pour limiter les dégâts que le temps avec lequel je réalisai tout ceci. Alors que je ne sentais plus la technique de Honami au loin, les arcs électriques créés quelques secondes auparavant s'étant dissipés dans les airs ou contre un quelconque obstacle, je déviai ma tête de droite à gauche, et me retournant, je vis sur ma gauche mon antagoniste. Elle se tenait là, dos à la fenêtre dont la lumière artificielle de dehors l'irradiait d'un halo blanchâtre. Elle avait apparemment fini de composer une seconde série de mûdras, et cela ne laissait présager rien de bon. Elle rit, fit quelques légers pas, et lança dans le vide:

— Parfait, ce jutsu marche bien ! On va pouvoir passer aux choses sérieuses avec le Raïton, Roketto no Raïfuusetsu !