Sous la pluie battante du village caché partant ce même nom, un garçon d’environ quatorze ans s’entraînait dans les marais boueux. Depuis le levé du jour, il répétait les quelques mouvements qu’il s’efforçait de nommer enchaînement de Taïjutsu. Le combat au corps à corps n’avait jamais trop été sa tasse de thé, il préférait de loin l’art du Ninjutsu ou du Kenjutsu. Voilà pourquoi les deux dernières heures il avait décidé de sortir son sabre de son fourreau et avait commencé par s’échauffer sur des cibles immobiles telles que des bambous puis il avait terminé en tentant de paralyser quelques animaux sauvages à l’aide de l’électricité mais c’était sans résultat. Le jeune homme avait donc décidé de faire un peu de marche pour garder la condition physique, au bout de quelques minutes il commença à s’ennuyer, à vrai dire il n’y avait pas grand-chose à voir dans les marais d’Ame si ce n’était que les grenouilles purulentes et autres batraciens. L’humidité faisait que ses vêtements collaient à sa peau et la pluie n’arrangeait guère les choses, heureusement, lui était habitué à ce climat moite ou irritant. L’adolescent s’assit ensuite sur un rocher et attendait que le temps passe, la nature faisait son cycle habituel, lorsqu’une chose mourrait, une autre renaissait, ainsi allait la vie songeait-il en se laissant doucement bercer par la petite brise qui soufflait dans les marais. Une heure passa, puis deux sans qu’il ne s’en rende compte, ses yeux étaient vides et dénués de tout sentiment, ils allaient et venaient d’un point à l’autre sans laisser transparaître la moindre émotion.

Parfois on pouvait se demander s’il était encore humain, probablement devait-il rester une infime partie de lui qui éprouvait encore quelque chose, sans doute cette chose qui faisait que son cœur battait encore alors qu’il était complètement brisé. Des fragments qu’il en restait, il fallait attendre que quelqu’un vienne apporter la colle pour tout recoller ou alors lui enlever son cœur pour lui en greffer un nouveau afin qu’il ressente pour la première fois depuis des années une envie de vivre. Tout à coup, alors qu’il était plongé dans ses grandes réflexions philosophiques, il aperçut une montagne de cailloux ou plus exactement de la roche recouverte de mousse, il fut tout de suite intrigué car c’était la première fois qu’il s’apercevait de la « présence » de cette grotte. Sans plus attendre, il descendit hâtivement de son perchoir dans le but d’aller voir ce qu’il s’y tramait, au moins il s’occuperait un peu car s’entraîner, cela lui sortait un peu par tous les trous en ce moment. Au moment même où il voulut y pénétrer, il renifla l’air ambiant, une odeur de brûlure ou plutôt non…de cuisson. Quelqu’un était-il entrain de camper à l’intérieur ? Cela paraissait peu probable étant donné que les visiteurs étaient rares au village caché de la pluie et encore plus dans les marais car c’était sans nul doute l’endroit le plus sale du continent Shinobi.

Lors des premières minutes à rester planté sous la pluie, il avait vaguement hésité à rebrousser chemin pour rentrer aux quartiers supérieurs où il passerait une petite après midi à ne rien faire, tranquillement chez lui. Mais prenant son courage à deux mains, il avait commencé à entrer dans la grotte en faisait un léger bruit à cause des petits cailloux positionnés à terre. Le garçon fit un peu de plus et découvrit une ombre se dresser à la lueur d’un feu de camp fraîchement allumé. Il ne pu pas définir la nature de cette ombre, elle était étrange…Homme ou femme, il ne savait pas ! Et lorsqu’il voulut s’approcher de la chose qui se trouvait en ces lieux, une voix s’éleva, elle était grave, plus sombre que la sienne. Apparemment son interlocuteur l’invitait à partager un repas en sa compagnie. Il en déduit donc qu’il avait été repéré, le garçon n’eut donc plus à masquer sa présence et il s’approcha de l’être qui était face à lui désormais. C’était une drôle de créature, on pouvait même se demander si c’était un humain, en vue du teint, dire non ne serait pas à exclure des propositions, cependant ne connaissant rien de « l’homme » en face, il préféra s’abstenir et ne faire aucune remarque. Un petit instant de silence s’installa entre les deux individus avant que notre héros aux cheveux ébène lui réponde calmement :

« Je ne suis pas venu ici pour manger … Je voulais juste vérifier s’il y avait quelqu’un dans la grotte. »

Une nouvelle fois, il y eut comme un coup de vent qui passa dans la pièce, ce dernier ramena un peu de pluie qui s’écrasa sur le visage blafard du jeune homme qui se recroquevilla dans son coin en regardant son interlocuteur manger un serpent. Il l’observa ensuite durant quelques secondes, ses cheveux étaient longs et d’une blancheur indéfinissable, ses oreilles étaient étranges, pointues et il avait une peau sombre presque grisâtre. Le garçon observa ensuite sa tenue vestimentaire, il portait des vêtements plutôt clairs par rapport aux siens et également un bandeau frontal. Il fallait bien se douter qu’il s’agissait d’un étranger, il n’avait jamais vu quelqu’un comme ça au village caché de la pluie, sur la plaque métallique de l’individu qui lui faisait face était gravé le symbole du village caché du sable. Ne pouvait se retenir cette fois-ci, il lança :

« Tu es de Suna Gakure n’est-ce pas … ? Sans vouloir être indiscret, qu’est-ce que tu fais là ? En temps de guerre tu devrais être chez toi entrain de te préparer. »

Il n’y était pas allé par quatre chemins et il espérait que l’autre en fasse de même, mettre des tabous ne servait absolument à rien. En attendant la réponse du drôle de Shinobi, le dernier descendant du clan maudit d’Ame regarda vers le haut où il put apercevoir quelques chauves souris qui poussaient quelques couinements à peine audibles. Elles volaient un peu partout et tentaient d’échapper à la source lumineuse produite par le feu allumé de la main de l’étranger. Décidemment sa vie n’était pas si banale que ça, il en avait fait des nombreuses, des rencontres…

Apparemment s’il était de passage dans sa patrie mère c’était parce qu’il devait se rendre au pays de l’herbe, qui était en l’occurrence frontalier à celui de la pluie, il ne voulait pas affronter le dur regard de son interlocuteur, il se contentait donc juste de regarder les gouttes tomber à flot le long de la paroi rocailleuse. Il lui fit ensuite part de son point de vue, qu’une guerre ne pouvait pas totalement être préparée, c’était à la fois juste et faux car les tous puissants, ceux qui régissaient ce conflit, eux, savaient à quoi s’attendre et ils les envoyaient à eux, les pions, se battre pour régler leurs problèmes. Il lui rajouta encore par la suite que la guerre n’apporterait rien de bon, que ce soit à lui ou à quelqu’un d’autre, Shintô le savait déjà, il avait d’ores et déjà connu cette expérience, il était né en plein conflit et il avait perdu son cœur au milieu de cette guerre civile. Mais désormais ses convictions étaient différentes, s’il voulait se venger à première vue, il avait décidé de renoncer à tout cela, pourquoi tuer des innocents ? Les hommes qui avaient décimé toute sa famille avaient payés de leurs crimes pour la plupart, il ne fallait pas en vouloir aux descendants, eux n’y étaient pour rien. S’il voulait être prêt pour la guerre, c’était parce qu’il voulait que son rêve reste encore un peu réaliste, il voulait croire en le fait qu’il serait assez fort cette fois ci, il voulait croire qu’il arriverait à protéger la vie de Mizoe. Malgré cela, il n’était pas sûr de la revoir de si tôt. Le dernier descendant du clan maudit d’Ame Gakure répondit alors à l’individu qui lui faisait face :

« Si je veux me battre ce n’est pas vraiment pour moi, ni vraiment pour Ame d’ailleurs mais pour quelqu’un qui m’est cher. Cette guerre, aussi bien que toi, je ne l’ai pas souhaitée mais si les hauts placés en ont décidés ainsi, je crains que nous n’ayons plus le choix. »

Pour lui sa vie ne signifiait plus rien s’il perdait la dernière personne qui avait pu lui donner un peu d’affection depuis la mort de son clan, si elle mourrait, alors il ne lui restait plus que deux solutions : se donner la mort par lui-même ou alors vivre comme une âme errante, devenir une arme sans cœur. Après elle, il ne voyait plus rien d’autre, juste une nouvelle phase de néant qui elle, ne serait guère éphémère. La dernière phrase prononcée par l’homme au teint étrange eut un certain impact sur le jeune homme, il ne devait pas s’attendre à autre chose, de ce point de vue là on pouvait facilement en déduire qu’il ne connaissait rien de la vie du Chûnin d’Ame, il ne savait rien des déchirures intérieures, des larmes qu’il avait versé et de la vision d’horreur. À l’époque il n’était qu’un enfant et cette scène lui restera à jamais dans sa mémoire, celle de l’assassinat de son père juste sous ses yeux puis la vision des corps calcinés de ses cousins à l’étage suite à l’incendie ravageur. Il n’avait plus eu la force de crier après les criminels, après quelques centaines de mètres de course, ils étaient trop loin et lui s’était lamentablement écroulé dans l’herbe roussie. L’adolescent poussa un long soupir, il avait envie de raconter ce passé à quelqu’un mais ce ne devait certainement pas être le moment, les discours philosophiques du Shinobi de Suna en laissaient beaucoup à dire, lui aussi devait traîner un lourd passé.

« Ame et Suna, deux villages qui n’ont jamais réussit à cohabiter sur le même continent, et pourtant aujourd’hui, toi et moi sommes ensembles autour d’un feu, pourquoi ai-je le pressentiment que cela ne pourra jamais en être de même pour nos supérieurs ?»

Une nouvelle fois, il ne put retenir un léger soupir lassé, il ne voulait pas se battre, il savait que dans le camp adverse, quelques personnes pensaient la même chose que lui. S’il avait bien compris, c’était l’Akatsuki qui était à l’origine de ces malentendus entre les pays, lorsqu’il était allé à la réunion des pays qui constituaient l’alliance des ténèbres, il avait vu l’un de leurs membres, il portait un masque en spirales orange et une cape de voyage noire avec des nuages rouges. Mais lors de cette conférence, aucun d’eux n’avait fait un quelconque commentaire sur le but de cette guerre, était-ce une simple et pauvre histoire de vengeance ? Ou peut-être faisaient-ils éclater une bataille pour la forme ? Une chose était sûre, Shintô ne comprendrait jamais les politiciens. Faire la guerre pour la guerre et ainsi affirmer sa supériorité ? Était-ce cela la véritable nature de ce conflit ? Alors dans ce cas pourquoi s’en mêlait-il ? Il n’avait rien à avoir avec ce qu’il s’était passé des décennies en arrière, pourquoi s’était-il engagé dans cet engrenage infernal ? La réponse, il l’avait déjà, c’était sa haine qui l’avait poussé à cela, alors qu’il prônait qu’un véritable Shinobi ne devait pas se laisser emporter par ses émotions. Mais lorsqu’il voulut lui poser une question, il se rendit compte qu’il ne connaissait pas encore son nom, à cet instant là, il se souvint des paroles de son mentor « Tu n’as pas besoin de connaître l’identité d’une personne pour la porter en haute estime dans ton cœur. », c’était plutôt rare mais quelques fois, il disait de belles choses ce vieillard, dire qu’il prétendait être son parrain. S’il l’était réellement, pourquoi n’avait-il pas cherché à le voir plus tôt ? Tant de questions se heurtaient dans son crâne qu’il en oubliait de poser cette fameuse interrogation qu’il s’empressa de dire avant d’oublier une nouvelle fois :

« Je sais bien que cela est secondaire voir superficiel, mais j’aimerais connaître le nom de la personne qui fait des leçons de vie. »

Disons qu’à ce moment là, il esquissa un petit sourire en coin mais loin d’être franc, s’il venait d’afficher une telle expression sur son visage, c’était parce qu’il était écrit dans un livre de psychologie qu’il était normal de donner quelques signes de confiance à son interlocuteur, alors pour se fondre de la masse et oublier ses différences, il voulait faire comme tout le monde…