Ils arrivèrent enfin au port, après avoir sauté du convoi pour se rendre dans la minuscule embarcation, les trois comparses ne s'adressèrent guère la parole, l'adolescent ne voulait pas engager la conversation, il se sentait trop coupable vis à vis de l'acte qu'il allait commettre, en réalité, c'était comme s'il leur donnait lui même le coup de grâce. Après des longues heures passées dans la cale, Shintô posa enfin le pied sur le quai en compagnie de ses deux frères de patrie. Encapuchonnés, ils traversèrent rapidement le port de manière à ne pas attirer l'attention d'habitants trop rapidement, ils ne revenaient pas qu'ils étaient enfin arrivés là. Tandis qu'ils étaient cachés derrière des cargaisons, Jinchi et son compagnon discutaient avec espoir des combats qu'ils allaient mener ensemble, de la gloire qu'ils allaient avoir lorsqu'ils rentreront au village caché de la pluie. Shintô quant à lui ne dit rien, il préféra s'abstenir de tout commentaire vis à vis de cette mission. Les trois comparses avançaient discrètement sur le quai, l'heure fatidique approchait pour notre protagoniste qui sentait de plus en plus une boule lui nouer la gorge tandis que ses deux équipiers respiraient la joie de vivre à l'idée d'être accueilli comme des héros en rentrant au village...


Vous ne rentrerez jamais à la maison les gars, je suis désolé...Mentalement, je me préparais à leur lancer une dernière réplique je voulais aussi sobre que possible et sans en faire trop. Je pourrais les abandonner à leur sort comme ça, sans rien dire, mais je préfère tout de même rétablir la vérité avant qu'ils ne lâchent leur dernier souffle afin qu'ils me pardonnent ne serait-ce qu'à moitié de les avoir envoyé dans la gueule du loup. Kôtaro - en voyant ma tête peut-être, j'en sais rien - tenta de me rassurer en m'envoyant une grande claque dans le dos qui me fit presque tomber, il avait beau être très con...Il était plutôt fort, si seulement j'avais la même force physique que lui et que j'étais aussi grand, j'aurais peut-être pu les sauver de cet Enfer où je les avais emmené. Je respirais alors l'odeur du lac qui bordait Kiri, je connaissais par coeur l'odeur de l'eau mais celle-ci était particulière.

C'est à cet instant que j'eus la bonne idée de me contempler - enfin, mon reflet on va dire - dans le lac. Je compris alors pourquoi Kôtaro et Mizumachi s'étaient inquiété - ouais bon j'avoue que ce n'était pas vraiment de l'inquiétude - j'étais devenu atrocement pâle et en l'espace de quelques jours, j'avais dû perdre au moins cinq kilos à cause du stress. Je me sentais minable de faire ça, d'obéir aux ordres de mes supérieurs alors que j'avais jadis promis de ne vivre que pour mon Nindô, pourquoi est-ce que je n'avais pas eu le culot de refuser cette ordre de mission, bordel. J'entendis alors l'écho d'une voix familière, ce devait être Mizumachi-san qui voulait savoir ce que je fabriquais, il était vrai que pour faire mon arsenal de mission, j'avais pris beaucoup de temps mais c'est normal, quel adolescent "innocent" pourrait accepter de "tuer" ses camarades sans être perturbé ?

Je me relevai alors pour rejoindre les deux zigotos qui me servaient d'équipiers et je les épaulai d'un geste fraternel pour leur signaler que j'étais prêt à partir pour le champ de bataille. Ils échangèrent un regard derrière mon dos et reprirent la route à mes côtés. Nous arrivâmes à l'heure où nous étions attendu auprès de nos supérieurs qui nous donnèrent les dernières instructions avant de nous envoyer sur la rive du lac où nous étions censé nous battre. Aucun ennemi en vue, je fus soulagé de ne pas être pris d'assaut dès mon arrivée et que j'avais quelques instants de répit. Malheureusement, tous ne furent pas de mon avis, mes deux comparses - ces idiots pressés de mourir...- crièrent à nos adversaires notre position. Leur réaction ne se fit pas attendre, des Ninjas sortirent de partout, la défense de Kiri était relativement bien organisée. Que devais-je faire maintenant ?

« Qu'est-ce que tu attends Shintô ? T'es une poule mouillée ou quoi ? »

Ces paroles me blessèrent dans mon amour propre mais ce n'était pas la raison pour laquelle je sentais mon coeur se resserrer au fur et à mesure que je m'éloignais d'eux. Je savais que tous les deux pourraient arrêter la dizaine de gardes qui étaient venus à notre rencontre, ils étaient assez forts pour ça et j'avais confiance en Mizumachi et Kotarô...Cependant, ma mission ne consistait pas à les garder en vie, je devais envoyer toute la garde de la zone afin que l'unité de combat numéro quatre puisse s'infiltrer à l'intérieur du village caché de la brume. J'esquivai un coup de kunaï assez facilement et je tordis le poignet de l'un de mes assaillant, je savais ce que je devais faire.

Au moment où mon adversaire hurla de douleur je lui arrachai son bandeau frontal et lui enfonçai sa propre arme dans le coeur. Je fermai les yeux...Je venais de tuer pour la première fois avec sang-froid, il fallait que je me calme et que je rejoigne la zone de défense arrière. Haletant, j'enlevai mon propre bandeau pour enfiler celui de ma victime, me changer en elle grâce à un Henge No Jutsu et courir en direction du Nord sous le regard interloqué de mes équipiers. Je leur fis un bref signe de main qui signifiait "Je vais bien" avant de m'enfoncer dans la ligne de défense quittée par les gardes que combattaient les deux autres Shinobis de la pluie. Je ne mis pas beaucoup de temps à trouver celui que je cherchais, c'était un homme plutôt imposant qui me faisait face à présent, je ne devais pas me montrer hésitant et faire comme si je le connaissais depuis pas mal de temps.

« Mon général...Des Ninjas d'Ame se sont infiltrés sur nos terres, ils combattent actuellement sur le rivage Sud du Lac Uoki. La zone de défense demande des renforts, c'est une urgence. »

Je déglutis difficilement, je venais de commettre l'irréparable, je venais de trahir ceux qui avaient partagé leur pain et leurs aspirations avec moi, j'étais un moins que rien. J'aurais voulu m'effondrer à cet instant là pour pleurer sur mon sort mais ma tache n'étais pas encore achevée, je devais me montrer comme un homme fort, j'ignorai qui était celui que j'avais tué précédemment, quelle place il occupait dans l'armée, j'avais donc du mal à jouer mon rôle. Le général n'y avait vu que du feu et c'était l'important...

« Ah ces vermines...Repars au front Katsuki et dis-leur que l'escadron Kyû arrive le plus vite possible. Je vais mobiliser 24 de mes soldats soit le trois-quart des hommes sous mes ordres, ils ont intérêt à en valoir le coup ces Ame-jins, combien sont-ils au fait ?
- Deux mon général... »

Il éclata ensuite d'un rire sadique signifiant "Ils vont souffrir", je ne supportais plus cet homme machiavélique, j'aurais avantage à parier qu'il était de la même race que les ignobles dirigeants d'Ame. Au final, peut-être était-ce le pouvoir qui leur montait à la tête. Je repris donc ma route en courant le plus rapidement possible, je n'allais rien signaler aux troupes de l'alliance, je n'étais pas de leur côté après tout...Je devais fuir sans que personne ne me voit une fois que les troupes arriveront à bon port. Je fis le signe du tigre et repris mon apparence, j'abandonnai le bandeau frontal marqué du symbole de Kiri pour reprendre de mien et m'élancer une nouvelle fois sur le champ de bataille. Mes deux coéquipiers avaient bien tenu le coup mais étaient épuisés face à leurs deux derniers adversaires, je me devais de les aider une dernière fois avant de les laisser, c'était mon devoir...

Ma main agrippa rapidement la poignée de mon katana et je m'élançai vers eux, corps et âme dans le combat que j'étais sur le point de mener. Lorsque l'un des Ninjas de la brume manqua de toucher Kôtaro, j'accélérai le pas et je le transperçai grâce mon sabre recouvert de sang désormais. Au même moment, Mizumachi défit son adversaire en l'écrasant grâce à son Ninjutsu de type Suiton. Nous éclatâmes de rire en nous regardant tous les trois, eux riaient sincèrement et moi nerveusement mais ils ne remarquèrent rien. Mizu-san m'affligea une nouvelle fois une claque dans le dos tandis que moi, je commençais à ressentir le chakra de l'homme que j'avais rencontré quelques minutes plus tôt à peine, l'heure des Adieux était arrivée. Je saisi la main de chacun de mes camarades de combat à leur plus grand surprise et leur serra assez violemment, je ne voulais pas les lâcher...Mais les inciter à fuir avec moi ferait subir à ma patrie de lourdes pertes et un recul sur le plan stratégique.

« Hé les imbéciles...Sachez que je suis désolé, c'était juste ma mission. M'en voulez pas les gars, j'ai tout fait pour reculer au maximum cet instant fatidique. J'espère qu'un jour...On se retrouvera là-haut et que d'ici là...Vous m'aurez pardonné haha... »

Incrédules, ils me regardèrent comme si j'avais parlé dans une langue qui leur était totalement étrangère jusqu'à ce que Kotarô repère l'escadron Kyû arriver au loin. Je lâchai leur main et je leur donnai à mon tour une petite claque dans le dos, ils me regardèrent avec désolation voire compassion. Alors que je leur tournai à présent le dos et qu'ils prenaient leur position de combat, Mizumachi m'adressa une dernière fois la parole :

« T'inquiète mec, je comprends...J'me dis qu'en fait, ça aurait pu être nous, on aurait pas eu vraiment d'autre choix que d'obéir et de te laisser ici face à ces connards de Kiri...Haha...Allez va, on s'occupe d'eux jusqu'à notre dernier souffle. J'ai juste une dernière requête, si tu reviens vivant au village, écris quelque chose pour nous dans le rapport de mission, dis-leur...qu'ils ont bien réussi, qu'ils se sont foutu de notre gueule jusqu'à la toute fin. »

Je n'eus pas d'autre choix que de hocher la tête affirmativement avant de m'effacer complètement de ce territoire, il fallait que je me redirige vers le campement quatre pour prévenir que la voie était libre si on contournait le rivage. Mizumachi, Kotarô, je m'en remets à vous maintenant, battez-vous assez longtemps pour que nos hommes puissent passer et que cette guerre prenne fin le plus vite possible. Plus jamais je ne veux sacrifier des gens comme ça, qu'ils me soient proches ou non, personne ne mérite qu'on lui donne la mort. Je me hâtai donc sous ces pensées et alertai mes supérieur à l'aide d'un signe de main. Tous se ruèrent et passèrent derrière moi pour infiltrer Kiri Gakure No Satô. Un seul homme resta, c'était celui qui m'avait donné cette mission.

« Je suis fier de toi Hôtobi, à partir d'aujourd'hui Ame surveillera ton parcours de près, il se pourrait que tu sois sollicité pour d'autres mission importantes plus tard. »

Qu'est-ce que je pouvais répondre à ça ? Alors qu'il me tapait amicalement sur le l'épaule, je repoussai sa main qui malgré le fait qu'elle soit propre, semblait puer le sang. J'avais besoin de repos et de recul, après cette mission j'eus besoin d'environ deux jours de tranquillité sans voir personne. Seul dans ma tente parfois, je regrettai de ne pas avoir pu faire plus ample connaissance avec Mizumachi et Kôtaro, qui au final, s'étaient révélés forts sympathiques. Je ne voulais plus revoir Kiri avant un long moment, un matin donc, je fis mes bagages et retournai sur le quai où un bateau m'attendait, il fallait que je rentre à Ame pour faire mon rapport de mission...Après ça je ne sais pas ce que je ferai, le temps nous le dira.