Il y a bien quelques heures maintenant que je ne risque plus aucun danger, je me trouve sur les terres d'Ame devenues officiellement pacifiques depuis peu. Si je ne m'inquiète plus du sort de ma petite personne, je me dois de le faire pour celui que j'ai emmené avec moi sur un coup de tête. A vrai dire, je ne sais même pas pourquoi je préoccupe de lui, nous faisons certes partie de la même organisation mais rien ne me dit que je suis obligé de le protéger jusqu'à l'arrivée de Gen, ce que je fais est de ma propre initiative. Avec la vie que je mène, j'ai appris à fuir et à cacher mon existence aux autres, les Ninjas de l'alliance ne connaissent pas ça...Personne ne les hait avec tant d'ardeur que le monde déteste mes pairs, les Shinobis d'Ame. Si officiellement ceux qui continuent à exercer cette profession au village sont reconnus comme déserteurs, personne n'est assez dupe pour ne pas comprendre que nous sommes encore sous le joug de la lune rouge. Jamais je n'aurais souhaité en arriver là, mais je n'ai plus le choix...Sans le vouloir, des gens m'ont fait changer d'avis sur bien des choses et aujourd'hui, j'en arrive à un stade où je sais ce que c'est, avoir un rêve.

Mais je n'expose pas mes aspirations à tout le monde pour autant, au contraire je les cache comme s'ils étaient ma pire honte. Un Ninja n'a pas le droit de rêver, il doit se contenter d'obéir, c'est pour cela que j'ai pendant longtemps voulu devenir ce personnage fort que l'on décrit dans les histoires d'antan, un homme sans émotion qui enlève la vie à tous ses adversaires jusqu'à ce que l'on prenne la sienne, une mort digne d'un héros tapit dans l'ombre depuis son plus jeune âge. Les temps ont changé mais beaucoup gardent encore cette image en tête, lorsque j'ai réalisé mon erreur je n'ai pas changé du tout au tout au contraire, ce fut très progressif, ce n'est pas venu d'une seule personne non plus. Je me retourne vers le Ninja de la brume et observe son visage semblable au mien : très fins, peau laiteuse et yeux inexpressifs...Hmpf, je crois savoir pourquoi je veux absolument le protéger. Ce garçon est comme je l'étais avant...Réaliste, je veux le tromper comme on m'a dupé et lui faire admettre l'illusion comme normalité pour qu'il puisse aussi vivre pour lui et non pour les autres.

Nous approchons peu à peu du village, j'appréhende un peu son entrée à l'intérieur de ce dernier car je me souviens encore du jour où j'ai fait entrer Tsukiyo dans Ame. Nous avions tous les deux payé le prix avant de pouvoir nous rendre à la grande tour de métal, mélancoliques, solitaires...Nous nous ressemblions vraiment et pourtant, le temps et la guerre nous a séparé. Qui sait, peut-être a-t-elle déjà laissé sa vie sur le champ de bataille, tous n'ont pas eu la même chance que moi : avoir des équipiers prêts à laisser leur vie pour leur chef. Parfois, il m'arrive de me rendre au cimetière pour aller voir cette stèle où sont gravés les noms des Ninjas dont le corps n'a jamais été retrouvé. Pour les Ame-jins, c'est monnaie courante de voir des fils et des frères tomber au combat, je vois rarement une mère pleurer son enfant...Parce que c'est ainsi, nous avons reçu une éducation stricte pour nous enlever nos émotions, nous ne sommes pas vraiment insensibles mais nous savons que notre village est destiné à faire avancer les choses, pas à conclure.

Ame aura sans doute disparu une fois que la guerre sera définitivement terminée, le village sera sans aucun doute partagé en différentes zones sous le joug des pays vainqueurs. J'observe au loin les grandes portes métalliques, je souris tristement...Si Ame n'est plus, je n'aurais plus qu'à devenir un véritable déserteur et à fuir durant le restant de mes jours, je ne suis pas assez fort pour faire face à des adversaires de réelle valeur mais rester dans l'ombre a toujours été l'une de mes qualités. Je fuirai avec le peu d'espoir qu'il me reste et je mourrai seul comme la plupart de mes compatriotes. La voie de la symbiose n'existe pas quand on est un Shinobi, on ne peut oeuvrer pour deux camps qui s'opposent et encore moins pour qu'ils soient en paix. J'attrape fermement la main de Kazuko et l'emmène aux portes où nous attend un Chûnin pour nous contrôler. Au début, je n'en croyais pas mes yeux mais c'était bien lui, ce Ninja que j'avais dû affronter l'an passé juste pour satisfaire son caprice. Munashii, si ce n'était pas une surprise !

Sans nous parler, nous nous comprenons, il hoche la tête en guise de salutation...Lui aussi a subi la guerre durant toute l'année passée, sa mentalité a-t-elle changé ? J'en doute mais je le remercie tout de même de me laisser passer sans histoire. Je n'ai plus qu'à rejoindre les quartiers supérieurs pour mettre mon nouvel équipier à l'abri de toute violence, je ne tiens pas à ce qu'on se fasse remarquer dans les quartiers inférieurs où je pourrais avoir quelques complications. Pain m'avait promis la sécurité mais il n'en n'est rien de tout ça actuellement, je vis comme tous mes pairs...Dans la peur et la misère, où était le "Dieu" qui nous avait promis le changement ? Je pousse la porte délabrée de mon appartement et le fait entrer dans mon espace de vie lugubre, comme il appartient à un clan j'imagine que mon "chez moi" doit paraître miteux...Mais de toute manière je ne m'y rends pas souvent, je passe le plus clair de mon temps dehors ou chez Gen. Un "Fais comme chez toi." aurait sans doute été plus poli mais je pense qu'il l'a compris, je m'affale alors sur l'une de mes chaises et attend qu'il me demande quelque chose.

Je ne connais pas ces terres, à vrai dire je ne connais pas le continent Shinobi tout court, je n'y suis allé qu'une fois si on ne compte pas ce trajet là. Je soupire quand même de soulagement, BK-201 m'a vraiment sauvé aujourd'hui, il paraît que nous sommes chez lui au pays de la pluie, je redoute légèrement mon arrivée là-bas car j'ai entendu que les gens ne sont pas très accueillant. Je sais que c'est paradoxal de dire ça étant donné que mon clan est issu d'un village ayant connu une époque peu glorieuse socialement : la brume sanglante, cependant à ce jour les choses ont changé et j'ai été élevé dans une ère pacifique, peu de temps après la fin de la troisième guerre Ninja. Les sentiers tracés ne sont guère entretenus, à vrai dire je me demande s'ils ne sont pas à l'abandon depuis des années voire des décennies...Mais je n'ai pas le temps de me plaindre, je dois suivre mon équipier si je ne veux pas être lâché au milieu de cette forêt peu commode pour quelqu'un comme moi. Nous avançons à un rythme assez rapide mais pour le Ninja qui se trouve devant moi, j'ai l'impression qu'il fait une simple promenade de santé, est-ce ça l'écart qui nous sépare tous les deux ?

De plus, cette pluie m'épuise considérablement, j'ai du mal à marcher dans la boue avec mes jambes ballantes, j'ai beau dire que j'ai bien récupéré de mon malaise, il n'en n'est rien à vrai dire. Mais je me suis promis de tenir le coup pour Shintô qui souhaite sûrement rentrer chez lui, le faire attendre jusqu'à mon rétablissement dans cette forêt hostile ne l'aurait certainement pas arrangé...Encore que je ne connais pas sa situation, si ça se trouve ça ne le dérange pas de vivre au milieu de la végétation et sous la pluie. Il m'annonce que nous sommes bientôt arrivés, je suis soulagé car je ne pense pas que mon corps aurait tenu plus longtemps encore, j'ai hâte de me poser quelque part et dormir. Mais lorsque nous arrivons devant les immenses portes métalliques qui annoncent l'entrée du village caché de la pluie devenu neutre depuis peu, je ne peux m'empêcher de remarquer la présence d'un garde posté devant les portes. Il possède tout comme moi des cheveux blancs comme la neige mais son regard est semblable à celui de BK-201, froid et impénétrable.

Je m'apprête à me présenter au moment où nous arrivons devant lui mais je constate que le garçon aux cheveux noirs de jais ainsi que le garde lui faisant face se défient du regard. Finalement c'est mon équipier qui l'emporte là-dessus, le type imposant finit par baisser les yeux et nous laisse passer, un songe me vient alors à l'esprit...Se connaîtraient-ils tous les deux ? J'imagine bien que dans ce petit village, il ne doit pas être très difficile de croiser quelqu'un qu'on a déjà vu auparavant mais tout de même, s'ils entretiennent un quelconque lien, ce dernier ne doit pas être très amical. De plus, sur le front du gardien des portes j'ai pu remarquer qu'il portait encore le bandeau marqué de quatre très verticaux, le symbole des Ninjas d'Ame...C'est comme si en quelque sorte, il refusait que son village soit devenu neutre. Alors ils sont comme on le dit ces Ninjas de la pluie. Shintô m'emmène un peu plus loin dans les dits quartiers supérieurs bien que la crasse y soit toujours présente.

Mais je ne fais aucun commentaire désobligeant à mon interlocuteur, il a déjà la gentillesse de m'accueillir chez lui alors que nous ne nous connaissons que depuis très peu de temps, une journée pour être exact. Je le vois s'arrêter devant une porte en fer dégradée par les vermines du quartier, il sort les clés de la pochette arrière et me fait entrer, nous sommes en sécurité désormais. J'aurais apprécié le fait qu'il loge au rez-de-chaussée mais il habite malheureusement au deuxième étage, je dois encore faire un effort et soulever péniblement mon corps jusque là haut. Nous montons les escaliers à un rythme soutenu, tous deux avons hâte de rejoindre l'appartement où un minimum de confort - je l'espère - nous attend. BK-201 ouvre la porte et rentre en premier, après quelques secondes d'hésitation, je pénètre à mon tour dans ces lieux alors que le soldat de la pluie ouvre les rideaux pour faire rentrer un peu de lumière malgré le temps pluvieux. Ce n'est pas le grand luxe mais c'est suffisant pour crécher, il prend place sur une chaise dans la "cuisine" et je fais de même.

« Tu viens souvent ici ? J'ai entendu dire que les Ninjas d'Ame vivent plutôt dehors que chez eux...Enfin non, oublie ce que je viens de te dire, tu vas te vexer. »

Depuis quand ai-je peur de vexer qui que ce soit ? Moi, l'intransigeant Kazuko du clan Ryuuseigun, connu du service secret de Kiri Gakure No Satô pour être soupçonné de quatre meurtres. Au fond, peut-être que j'ai été froid avec eux juste parce que j'ai estimé qu'ils ne méritaient pas d'être affectionné par quiconque. Ma soeur, tu m'as certifié tout à l'heure que Shintô ne sera pas comme eux, qu'il ne me laissera pas tomber...Je crois que tu ne t'es pas trompée. Je pose ma main droite sur ma côté endolorie tandis que mon autre main s'occupe de poser le katana par terre. Je me rends compte que tous mes préjugés ont été stupide, la "faucheuse des ténèbres" n'est autre qu'un garçon ordinaire, les Ame-jins ne sont pas tous des monstres. J'esquisse un faible sourire, si j'ai le malheur de prononcer ces mots devant les sages de mon clan, ils me riront au nez avant de me demander où j'ai bien pu rencontrer un soldat de la pluie alors que nous sommes en temps de guerre et que le village est bien gardé.

Enfin, s'il est si bien protégé qu'on le dit, Gen n'aurait pas pu s'infiltrer jusqu'à l'archipel sur lequel j'observais les étoiles cette nuit là, je ne serais pas ici à moitié endormi face à mon interlocuteur. Est-ce que je regrette de m'être laissé faire par ce stupide vieillard ? Je l'ignore encore, il est trop tôt pour dire si tout se serait mieux passé si je n'avais pas fait ce choix. En attendant, j'ai envie de m'éloigner de mon clan, trop de tensions règnent en ce moment et j'en suis la source selon certains même s'ils n'osent pas me le dire. Après tout, je suis le fils de Satake Ryuuseigun, l'un des mieux placé pour hériter du rôle de chef de clan une fois que j'aurai l'âge. En attendant, je dois à tout prix empêcher Jin d'agir contre moi, pas que je tienne spécialement à reprendre les pas de mon père mais...Ce type je ne peux pas le sentir, je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression que c'est lui qui aurait voulu tuer Izue.

Un jour, je voudrais être assis au milieu d'une quelconque campagne et regarder les étoiles scintiller au milieu d'un ciel déchargé de tout nuage. Être allongé sur l'herbe et contempler ces corps céleste symbole de paix pour moi, le rêve ultime serait des les observer via les toits métalliques du village caché de la pluie, à cet instant là je saurais alors qu'aucune guerre n'occupera plus jamais ce monde ou du moins, plus le mien. Je veux être libéré de toute obligation, pouvoir vivre ma vie et rompre les contrats auxquels je suis lié pour rétablir la paix, je sais que le chemin est long mais j'ai espoir que tous les gens qui ont réussi à me changer me soutiennent dans ma quête. Ce n'est pas comme si je cherche l'utopie après tout, je demande juste la fin de cette lutte sanglante qui n'a aucun sens pour moi. Les Shinobis agissent depuis trop longtemps comme des mercenaires, quand se rendront-ils enfin à l'évidence que tuer pour gagner sa vie n'est pas digne et honnête pour ceux qui se disent garants de l'honneur.

Cette mascarade dure depuis trop longtemps et pourtant je n'ai pas le choix que l'accepter comme étant la réalité, pour survivre et ne pas finir malheureux, pour garder l'espoir dans notre âme nous sommes obligés de nous mentir nous...Shinobis. J'aimerais crever la main sur le coeur en disant les quatre vérités aux dirigeants mais j'ai bien peur de ne jamais avoir assez d'assurance pour ça. Un rire amer m'échappe à chaque fois que je vois des soldats partir heureux au combat, parce que c'est leur première guerre et qu'ils ne savent pas à quoi s'attendre, parce que depuis leur plus jeune âge on les endoctrine pour leur faire croire qu'ils se battent pour des idéaux réalistes. Mais tout ça n'est que mensonge, les seuls à tirer profit des évènements tels que les batailles sont les hauts placés, ceux que personne ne touche car les Ninjas se battent entre eux. Le sang coule, les innocents tombent dans un dernier souffle tandis que les coupables sont couverts de gloire, des héros des guerre...des criminels, n'est-ce pas la même chose ? Kazuko m'adresse alors la parole, sa question me blesse quelque peu. J'ai pensé durant quelques temps qu'il n'était pas un type croyant aux préjugés mais je me suis visiblement trompé sur son compte. Malgré tout, je lui répond en toute honnêteté :

« Je vis chez Gen depuis quelques temps, je ne viens ici que pour me reposer entre deux missions. »

Ame, je m'étais attaché à ce pays, ce village, cet environnement alors que rien ne me pousse à le faire, j'ai tant de fois essuyé de lourdes pertes en restant ici, on m'a souvent donné l'occasion de déserter pour avoir une vie meilleure mais...Aujourd'hui, je me sens incapable de quitter ces terres. Alors même si Gen veut faire de moi un garde sans émotions, je sais qu'un fond de moi je garderai de l'affection pour ma patrie parce que cela fait des années que j'y vis et que nous, habitants du village caché de la pluie, sommes tous unis par la souffrance de ce pays. Mon regard se pose sur l'individu qui me fait face, il est presque plus blanc que moi...Pourtant il y a quand même du soleil à Kiri une fois que la brume s'est levée. Je le vois mettre sa main sur ses côtes, ressentirait-il encore les effets de la chute qu'il a fait précédemment ? Mes sourcils se froncent alors qu'il lâche son sabre par terre comme pour se soulager d'un poids, il m'a légèrement contrarié avant mais je ne peux m'empêcher de lui proposer mon aide.

« Va dans ma chambre là-bas à gauche. J'arrive, je vais te préparer quelque chose pour que tu reprennes des forces, je ne peux pas te cacher éternellement. »

Je le guide jusqu'à mon lit et ferme la porte pour lui laisser un peu d'intimité, il a besoin de repos avant de repartir alors il faut que je lui offre un minimum de soins. Je reviens dans la cuisine éclairée par le ciel grisâtre, ça doit bien faire deux semaines que je ne suis plus revenu ici mais je dois bien avoir quelque chose dans le frigo. Je fouille un peu partout dans les armoires et fini par débusquer une conserve de Ramens instantanés, je regarde la date...ça devrait faire l'affaire, ce n'est pas encore périmé. D'un geste rapide, je saisis une casserole et fait couler de l'eau à l'intérieur, il ne reste plus qu'à chauffer dix minutes et le tour est joué. Lorsque tout est fin prêt, je place la soupe dans deux bols et les ramène dans la chambre. Je retrouve CK-706 accoudé au rebord de fenêtre, l'air pensif, je pose les bols sur la table de chevet et commence à manger. Après il faudra que je lui donne mon onguent pour atténuer ses douleurs, qu'est-ce que je ne fais pas pour un étranger juste parce que nous partageons quelques traits en commun...

J'ai vu la haine et la peur sur le visage de maintes personnes cependant, je n'ai entrevu l'amour que d'une seule : ma soeur cadette que j'ai tué de mes propres mains. J'en suis arrivé à m'interroger sur la nature de l'Homme, pourquoi vivons-nous ? Et puis maintenant que j'ai rencontré Shintô je commence à raisonner différemment, comme si je n'étais plus totalement rationnel. J'ignore qu'est-ce qui a provoqué ce changement mais je pense que c'est parce que BK-201 et moi-même partageons de nombreux points commun, notamment cette solitude. Lui a sans doute plus de raisons de souffrir que moi, il est vrai que mon interlocuteur n'a jamais demandé à tout perdre en une seule nuit alors que moi, je suis né riche et j'avais presque tout pour être heureux...Cependant j'ai tout détruit. Quelles sont les raisons qui m'ont poussé à faire ça ? Je ne sais pas...Ce sentiment, la vengeance et la rancune sans doute, toutes les émotions négatives que j'éprouvais envers Père m'ont fait perdre la raison, c'est pour ça que j'ai tué Izue, au nom de la folie.

Shintô m'a offert de quoi reprendre des forces afin de repartir le plus vite possible, je comprends sa décision de vouloir me relâcher au plus vite, si le garde qu'on a rencontré avant nous trahi, il risque d'avoir de sérieux ennuis. Allongé sur le lit après avoir absorbé un bol de soupe, j'attends que le temps passe sans fermer l'oeil, j'ai comme l'impression que si je dors je vais de nouveau tout perdre. Je me tourne et me retourne sur le lit de l'adolescent aux cheveux noirs de jais qui a quitté la pièce quelques minutes plus tôt. Je suis de nouveau seul face au silence de plomb, je me demande comment l'Ame-jin pouvait vivre ici avant de rencontrer Gen, il n'y a personne ici, il est vraiment comme un loup solitaire. Finalement, j'opte pour croiser les bras derrière la tête et regarder le plafond, je me sens comme un enfant épuisé après une journée d'entraînement, je finis par fermer les yeux et me rappeler d'une époque où tout était encore bien...


« Okāsan ! Je peux emmener Izue au lac ? S'il-te-plaît, s'il-te-plaît dis oui !
- D'accord, mais n'allez pas trop loin. N'oublie pas que ta petite soeur n'a que deux ans...
- Génial ! »

Le tableau de famille idéal, un père en mission au service de la Mizukage, la mère qui s'occupe de ses deux enfants dans le domaine luxueux du clan, que demander de plus une belle journée d'été ? Le garçonnet aux cheveux blancs comme la neige court à travers le jardin de la demeure sous le regard attentif des autres membres de sa famille. Un lien fort s'est tissé entre le frère et la soeur alors qu'ils sont âgés respectivement de cinq et deux ans. La mère a tout pour être comblée, argent, amour ainsi qu'une fratrie fusionnelle tandis que les enfants passent la plupart de la journée ensemble. La petite fille pousse un cri de joie en apercevant le visage de son grand-frère qui la prend immédiatement dans ses bras avant de repartir dans la direction inverse pour se rendre au lac. Ils passent devant la porte de la délivrance et, sa petite soeur sur le dos, le garçon commence à accélérer le rythme de course jusqu'à en perdre haleine.

Quelques minutes plus tard, ils finissent tous deux haletant dans l'herbe fraîche à rire pour rien comme le font tous les enfants de leur âge. Personne ne sait où ils sont et nul ne viendra les trouver ici dans ce coin perdu et paradisiaque, ils sont libre d'exposer leur lien inébranlable à Dame nature. Ce monde n'a pas encore tourmenté les esprits de ces deux jeunes gens mais bientôt l'un d'eux connaîtra la souffrance et la solitude, le prix à payer pour devenir un Shinobi mais pour l'instant il n'a aucune idée de ce que peut être la douleur, il vit au jour le jour des escapades plus merveilleuses les unes que les autres, c'est un monde qui paraît si lointain pour le jeune homme qu'est devenu Kazuko aujourd'hui...


Lointain...Cette époque est vraisemblablement révolue et je ne suis plus prêt de voir les choses comme elles l'étaient autrefois, c'est un peu comme si le ciel étoilé disparaissait soudainement, que tout était perturbé et que l'on soit en quête de nos souvenirs, par nostalgie certainement. Le temps de l'enfance est terminé, l'adolescence et prochainement l'âge adulte va commencer à m'en faire voir des vertes et des pas mûres. Je me demande quand exactement j'ai commencé à perdre espoir en l'humanité...Est-ce quand je me suis rendu compte que jamais je ne deviendrai un Ninja à part entière, quand j'ai assassiné Izue ou encore quand j'ai tué Père avec mes nouveaux pouvoirs. Sans vouloir me prendre pour le protagoniste d'un mélodrame, je peux vous assurer que personne ne voudrait endosser mon fardeau...Sauf peut-être Shintô.

Deux Shinobis, deux modes de vie différents, des aspirations divergentes également sans doute et pourtant, la même souffrance. Personne ne sait pourquoi un lien naît entre deux individus alors pourquoi ne pas essayer, Kazuko et moi nous nous ressemblons assez je trouve même si physiquement tout nous oppose : couleur des cheveux, des yeux, teint de la peau ainsi que style vestimentaire, je sais qu'au fond son âme est aussi affectée que la mienne. Je ne sais pas quel mal le tourmente mais je ressens en lui ce même désir de se tourner vers le passé alors que notre société nous force à regarder de l'avant pour aller toujours plus loin. Mais que deviennent les Hommes qui, en cours de route, s'arrêtent pour regarder en arrière et se demander si tout n'était pas mieux avant ? Que font-ils de la nostalgie qui anime ces personnes ? Nous laissent-ils en arrière volontairement pour que l'on s'enfonce dans l'obscurité des souvenirs pour ne plus jamais y revenir ?

CK-706 et moi-même n'avons alors plus notre place dans ce monde...Mais pour tout de même avoir foi en ce qui nous attend, nous devons admettre l'illusion pour réalité car sinon, nous pouvons dire Adieu aux dernières choses auxquelles nous tenons. Assis dans un fauteuil miteux de mon salon, je ne fais que songer depuis que j'ai quitté la chambre que j'ai prêté à mon invité, je repense notamment à cette dernière journée très enrichissante pour moi, j'ai enfin découvert une personne qui semble partager la même douleur que moi. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Je n'ai pas encore pu forger d'opinion là dessus et j'espère rester neutre jusqu'à la fin. Chaque personne dans ma vie que j'ai plus ou moins apprécié m'a déçu au moins une fois alors je ne voudrais pas qu'il en soit de même avec le garçon aux cheveux blancs comme la neige.