Il est vrai que j'ai longtemps tenu à me faire passer pour ce que je ne suis pas, je le regrette désormais. Lorsque je me regarde dans un fragment de glace, je ne perçois même plus celui que je fus auparavant car je dois l'admettre, il fut un jour où l'on pouvait percevoir un grand sourire sur mes fines lèvres. Le temps de mon enfance - malgré les sarcasmes de ma grand-mère - fut le seul paisible de toute ma courte vie. J'allais bientôt fêter mes 18 ans, la fleur de l'âge selon les anciens du village et qu'avais-je fait de toutes ces années ? Je n'avais fait que fuir un passé douloureux, je n'avais fait que chercher à combler un manque, tous ces actes avaient été commis dans l'unique but de satisfaire ma personne, quel égoïste je faisais. J'en étais allé jusqu'à vendre mon âme à l'être le plus infâme que j'avais pu rencontrer jusqu'à présent, le leader secret de l'Akatsuki. Il disait qu'il voyait un grand potentiel en moi, que je deviendrai certainement un bon Ninja en m'initiant aux forces du mal et moi, désemparé par les évènements tragiques qui m'avaient frappé quelques temps plus tôt, je l'avais crû.

J'ouvris le robinet de ma douche et je laissai couler l'eau sur mes cheveux noirs de jais, qu'avais-je fait en étant adolescent ? Je fermai les yeux et me laissai emporter par les sensations agréables que me procurait cette douche bien chaude. J'espérai vainement que lorsque je rouvrirai mes paupières, le monde autour de moi sera complètement changé, je ne voulais plus être l'héritier de la tristesse. Ce corps qui était le mien me semblait étranger, mes muscles dont j'étais si fier - car je les avais acquit après des années d'entraînement - me dégoûtaient à présent, je m'étais caché depuis trop longtemps derrière cette enveloppe charnelle. Ne disait-on pas que le jugement dernier pesait notre âme et non notre apparence ? Alors que se passera-t-il lorsque je me retrouverai face à cet inconnu qui me jugera ? Je n'ai plus d'âme, je l'ai vendue...au plus grand prêcheur de misère du monde des Shinobis.

Et pourquoi j'avais pactisé avec lui ? M'en souvins-je seulement encore ? Pour avoir du pouvoir...pour obtenir la force que j'avais tant désirée dans le but de changer le monde. Qu'avais-je fait de mes rêves ? De mes aspirations ? Je frappai le carrelage de ma douche de manière si brutale qu'il se brisa sous mon coup de poing. J'avais tout perdu, au lieu de tirer profit de mes acquits, je n'avais fait que rester sous les ordres d'un chef qui me considère comme un pion...J'avais stagné et pourtant, je me satisfaisais de cette situation malsaine. Où était passée ma fougue d'antan ? Et si, dans toute cette histoire, c'était moi le responsable et non le village caché des feuilles ? Aveuglé par la vengeance, avais-je perdu la raison et m'étais-je à ce point fourbé sur le compte de Konoha ?

Lorsque je sortis de la douche, j'enfilai rapidement une serviette autour de mes hanches et traversa la salle de bain à vive allure dans le but de me retrouver dans ma chambre. Tant de personnes avaient voulu m'accepter ici et moi, je les avais toutes repoussées une à une...Parce que je pensais que me lier avec quelqu'un me rendrait faible. Je levai les yeux vers la montagne des Hokage qui se trouvait face à mon appartement, ces grands héros qui avaient défendu le village...Qu'est-ce qu'ils avaient de plus que moi ? Pourquoi est-ce qu'ils étaient forts ? Et pourquoi rien n'avait pu les détourner de leurs convictions. Je restai muet face à cette auto-interrogatoire, est-ce que j'attendais une quelconque réponse de leur part ?

Ils étaient morts ces types, je ne les avais jamais connu alors pourquoi est-ce que soudainement...J'avais besoin que quelqu'un me parle non pas sur un ton condescendant mais en tant qu'ami ? Moi qui étais l'incarnation de tout ce que devait être un bon Shinobi...Un pion sans émotions dont la seule protection du rêve de son supérieur suffisait pour ambition personnelle. Pourquoi est-ce que soudain je me sentais prêt à changer si brutalement ? Je me vêtis d'un simple T-shirt noir, d'un pantalon de la même couleur avant de placer mon bandeau sur mon front. Un petit bol d'air me ferait certainement le plus grand bien, cela faisait quelques jours que je n'étais pas sorti et rester enfermé devait me taper sur le système.

Je sortis de mon appartement en trombe, j'avais hâte de retrouver l'extérieur et sa douceur printanière et puis, j'avais besoin de me reposer dans un endroit où la nature et mon corps ne ferait qu'un car oui, je cherchais des réponses qu'aucun être humain ne pourrait m'apporter. Madara m'aurait certainement répondu que j'étais en phase de fin d'adolescence et que par conséquent, je doutais de moi-même et que c'était normal pour tout le monde cependant, j'avais pris conscience que chacun d'entre nous était unique, je ne pouvais être comme les autres et me contenter d'avaler une nouvelle fois des couleuvres de la part de celui qui avait été mon mentor. Cet être abject m'avais longtemps fait croire qu'un jour je puisse être son égal, lorsque ma formation serait achevée et moi, comme un imbécile, je l'avais crû. Aujourd'hui, plus de deux ans sont passés, j'ai suivi un entraînement intensif en étant très rigoureux avec moi-même et pourtant, je ne la sentais pas cette force ou du moins, pas je l'entendais.

La véritable force c'est le mental de l'être humain, c'est ce que j'avais lu dans un livre lorsque je m'étais rendu à la bibliothèque d'archive de Konoha. Depuis ce jour, j'avais cherché à trouver mon "moi intérieur" afin de devenir plus fort que ce satané possesseur de Sharingan cependant, à force de chercher ce qui pouvait me rendre plus fort le plus rapidement possible, j'en avais perdu mon âme et donc toute possibilité de progresser était compromise. Les Shinobis de la feuille, eux étaient différents...Lorsque je croisais le fer avec eux, je sentais une autre motivation que la soif de pouvoir parer mes coups et même lorsque ma haine prenait le dessus, il n'abandonnaient pas l'idée de me faire reculer...jusqu'à ce que je donne l'assaut final.

Après quelques minutes de marche, je me retrouvai dans un parc qui se trouvait lui-même tout près de la montagne des Hokage. Je levai la tête pour regarder leur visage, ils signifiaient beaucoup pour les générations futures du village, chacun d'eux avait tour à tour légué un héritage à Konoha. Je ne m'étais jamais posé la question, mais qu'en était-il de moi ? Après ma mort, plus personne ne se préoccupera de mes actions passées et alors je serai complètement oublié, je coulerai dans l'oubli...Tant mieux ? Je ne sais pas, malgré tout ce que je disais j'avais la sensation que je ne savais toujours pas qui j'étais. Madara avait tenté de me convaincre, j'étais Kanashimi Atotsugi, l'héritier de la tristesse et le messager de la haine dans ce bas-monde.

Cependant aujourd'hui tout semblait devenir différent pour moi, je me rendais compte qu'au fur et à mesure que le temps passait, je m'étais attaché à ces lieux où mes parents avaient vécu avant que je ne les élimine, devais-je avoir honte ? Je l'ignorais, je n'étais qu'un simple humain après tout, j'avais droit à l'erreur non ? Mais est-ce que tous me pardonneront ? Je jetai un bref regard derrière moi et j'aperçu des enfants jouer dans l'herbe fraîche...Plus loin des adultes qui, malgré leur proximité ne s'adressaient pas la parole et restaient chacun dans leur coin. La réponse me vint alors à l'esprit, je savais comment tous réagiraient si je décidais de tourner ma veste.

Pour savoir si je serai accepté par la société, je n'avais plus qu'à me remettre en question, qui étais-je du haut de mes dix-sept printemps ? Se pourrait-il que je sois encore un enfant ? Ou alors ai-je déjà tourné la page depuis longtemps et suis-je devenu un adulte, un homme ? Je regardai mes mains, elles avaient déjà été recouvertes de sang...J'avais perdu cette innocence qu'ont les mômes mais je n'étais pas assez fort pour prendre ma décision sans regarder en arrière. Je pris ma tête entre mes mains, j'avais fortement besoin de réfléchir à mon sujet. Mais je n'eus pas le temps de m'atteler à la tâche tout de suite car quelqu'un m'interpella, c'était le Genin que j'avais sauvé lors de ma précédente mission.

Je me demandais ce qu'il pouvait bien vouloir venir faire ici à une heure où tous les aspirants étaient habituellement en mission. Je ne lui adressai pas un mot, j'attendais qu'il prenne la parole afin qu'il justifie sa présence, encore une sale manière que j'avais pris du surnommé Tobi. Je fis comme si je ne l'avais pas vu, je continuais de fixer le ciel bleu azur comme si le monde qui m'entourait n'était qu'un simple décor, une illusion crée par Kami-sama...Rien de plus. J'entendis un soupir venir de derrière mon dos, je pensai que c'était ce gamin...Et mes doutes s'avérèrent exacts, pourquoi s'obstinait-il à me suivre sachant que je n'étais pas d'humeur à engager la conversation - et en vue de mon expression faciale ce n'était pas très ardu de le deviner - n'avait-il pas d'autres choses à faire ? Je fronçai les sourcils et me retournai vers lui de manière à lui faire face. Il baissa les yeux, le monde ne tournait décidément pas rond aujourd'hui...

Je ne savais pas ce qu'il attendait de moi mais lui semblait plus ou moins déterminé à me parler, son arrogance lors de la mission que nous avions effectué ensemble m'avait cependant fait penser qu'il n'était qu'un sombre crétin qui cherchait à se faire remarquer. Dans le rapport de mission, je ne m'étais d'ailleurs pas gêné pour faire remarquer au Hokage que cet abruti se ferait certainement descendre au premier assaut lancé sur le village, avait-il eu des échos de mon commentaire ? Je n'en savais rien et j'ignorais encore plus si c'était pour ça pour qu'il était venu à ma rencontre. Mais s'il m'avait réellement cherché pour ça, ne serait-il pas venu plus tôt ? Putain, je devais sérieusement arrêter de me tourner des films dans ma tête, j'allais finir par devenir schyzo...Si je ne l'étais pas déjà. Maintenant que nous étions l'un face à l'autre, que je le toisai du regard et que lui avait baissé le sien, il se décida enfin à parler.

« J'en ai marre d'être un boulet...Entraînez-moi ! Faites de moi un Ninja qui aura des chances de devenir Hokage ! »

Au moment où il prononça ses paroles, des larmes commencèrent à rouler sur les joues du Genin, pourquoi pleurait-il ? Il n'y avait pas de honte à être faible, c'était comme ça un point c'est tout. Mais lorsque j'y repensai, je me rendis compte que j'avais peut-être jugé ce type un peu trop vite. Je l'avais traité de loser sans vraiment le connaître, cependant je n'appréciait guère le manque de politesse, je l'avais sauvé des griffes de deux malfrats et lui m'avait à peine adressé un "Merci" murmuré le plus doucement possible. J'avais beau savoir ce que c'était que d'avoir de la fierté, je n'acceptais pas un tel comportement de la part d'un gosse qui m'étais nettement inférieur. Je ne répondis donc pas à sa demande, je me contentai de me retourner et de continuer à tracer ma route.

Un élève ? Je n'en avais pas besoin, à quoi bon ? Une fois qu'il sera l'homme comblé, le Ninja qui aura obtenu tous les titres possibles, il me reniera ! Il cessa de me suivre lorsque je repris mon chemin pour retourner chez moi mais ne perdit pas espoir que je m'arrête. Je fis une halte à la sortie du parc verdoyant afin de lui adresser quelques mots avant mon départ définitif. Les cheveux volants au gré du vent, je devais avoir l'air d'un de ces héros stéréotypés qui prononçait de belles paroles à son acolyte ou à son disciple mais ce que j'allais dire allait sans doute être nettement différent ce que disent les héros reconnus de tous, non, je n'étais pas ce genre de mec.

« N'aie pas honte d'être faible, contente-toi de faire ce que tu peux...On ne peut pas changer de toute façon, un raté reste un raté. »

Son expression changea du tout au tout, mais je continuai ma route sans prêter plus d'attention à ce gamin, après tout il sera probablement l'une des premières victimes de cette guerre, faible et insouciant. Ouais, c'est toujours les gosses qui trinquent des erreurs des adultes, j'ai toujours été le premier à l'affirmer, un enfant ne demande pas à naître en période de crise, comme tout le monde il préférerait regarder un ciel bleu azuré parsemé de nuages blancs comme la neige, les pieds dans l'eau. Une utopie que l'Homme a construit en voulant toujours aller plus loin, malgré ça les aspirations primaires reviennent toujours, que l'on le veuille ou non...Nous sommes tous les mêmes, Konoha ou Akatsuki ? Les deux ont un but et feront tout pour l'obtenir, la race humaine est vouée à une voie fermée, c'est indéniable.

Le lendemain matin, j'achetai le journal et j'appris qu'un garçon s'était tué à l'entraînement sans dire un mot à sa famille, les causes exactes de sa mort n'ont pas encore été identifiées mais d'après l'article, il s'agirait d'une surconsommation de chakra liée à une pneumonie mal soignée. Finalement, il avait même été trop faible pour survivre à une épreuve futile, il n'aurait pas tenu longtemps sous mes ordres. Malade qui plus est, ses parents m'auraient poursuivi en justice pour meurtre de leur gosse, l'affaire sur l'assassinat de mes géniteurs aurait refait surface et j'aurais fini par moisir derrière les barreaux, je ne méritais pas ça, malgré tous mes actes insensés je le savais quand même : je vaux mieux que ça...Non ?